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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

ver la voix du haut de cette tribune nouvelle, qu’il venait d’édifier. M. Thiers partit avec l’ardeur d’un jeune coursier, quand il voit s’abattre devant lui les barrières qui s’opposent à son pied impatient. La longue menace de Charles x venait de s’accomplir. M. de Polignac gouvernait la France, et chaque jour ses journaux annonçaient que le moment était venu de sauver la royauté. L’admirable instinct de M. Thiers, qui lui avait fait comprendre que ce n’était pas avec une vieille arme vermoulue comme était le Constitutionnel, qu’on pouvait se jeter avec quelque confiance dans une lutte si décisive et si violente, lui traça aussitôt son plan. Il sentit, d’après ses propres expressions, qu’il fallait enlacer le pouvoir dans cette charte où il s’agitait, l’y enlacer chaque jour davantage, jusqu’à ce qu’il y étouffât ou qu’il en sortît, n’importe comment. Dès-lors, en effet, chaque jour, il se mit à faire valoir tous les avantages du gouvernement représentatif, à prouver que la charte de 1814 où le pays n’avait pas trouvé d’abord toutes les libertés qu’il avait rêvées, avait cependant suffi jusqu’à ce jour, pour combattre toutes les usurpations du pouvoir, et pour le forcer à revenir au point de départ, quand il avait su s’emparer de quelques-unes des libertés publiques. — Le temps, en apportant chaque jour de nouvelles lumières, apprenait à mieux apprécier nos institutions ; il fallait s’en tenir uniquement à ces institutions, alors mises en péril par le ministère. Ces lois, disait-il chaque matin, et sous mille formes, ces lois composaient le gouvernement le plus calme et le plus libre, le plus balancé et le plus vigoureux. Quel autre ensemble de lois pouvait mieux convenir à un pays tel que la France ? Nous avions un roi héréditaire, inviolable, dépositaire du gouvernement, obligé d’en confier l’exercice à des ministres responsables, chargés de faire pour lui la paix, la guerre, d’administrer la fortune publique ; un roi placé au-dessus des traits de la haine, dans une région supérieure où ne pénétrait que l’amour des sujets, quand tout était bien, et le silence seulement quand tout était mal. Ce roi qui n’était pas impuissant comme on voulait le dire, car, en nommant ses ministres, il avait le pouvoir de manifester ses sentimens, de faire acte de sa volonté, et même de contrarier le vœu public, comme il le faisait alors ; ce roi n’était-il un roi véritable ? Cette organisation sociale