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réponse à Barbaroux, Robespierre donne une leçon sévère aux brouillons ; quand il prend la défense de Danton, au club des jacobins, sa conduite est généreuse et habile ; quand il fait exclure de ce club Anacharsis Clootz, en l’accusant d’être baron, et de posséder cent mille livres de rentes, son énergie est digne d’éloges, et il intimide encore les brouillons ; en 1793, quand il poussait le comité de salut public à dénoncer quelques membres de la convention, agens de l’étranger, son énergie assurait le salut de la révolution ; dans l’examen public des écrits de Camille Desmoulins, rien n’a été plus sage et plus convenable que la parole de Robespierre. Enfin, Robespierre « avait passé des idées d’énergie patriotique à celles d’ordre et de vertu ; » voyant tous les vices soulevés contre la sévérité du régime républicain, « il conçut la république comme la vertu attaquée par toutes les mauvaises passions à la fois. » Le mot de vertu fut dès-lors mis partout par lui, remarque M. Thiers ; lui et son parti, ils proclamèrent Dieu, l’immortalité de l’ame, toutes les croyances morales. Il leur restait à faire une déclaration solennelle, à déclarer, en un mot, la religion de l’état ; ils résolurent de rendre ce décret. De cette manière, ils opposaient « aux anarchistes l’ordre, aux athées Dieu, aux corrompus les mœurs. Leur système de vertu était complet. » M. Thiers ne s’arrête pas là. « C’est la première fois, dans l’histoire du monde, dit-il, que la dissolution de toutes les autorités laissait la société en proie au gouvernement des esprits purement systématiques (car les Anglais croyaient à des traditions chrétiennes), et ces esprits, qui avaient dépassé toutes les idées reçues, adoptaient, conservaient les idées de la morale et de Dieu. Cet exemple est unique dans les annales du monde ; il est singulier, il est grand et beau ; l’histoire doit s’arrêter pour en faire la remarque. »

Essayez, monsieur, de vous reporter au temps où M. Thiers émettait ces idées, fort justes d’ailleurs, selon moi. Souvenez-vous de l’horreur qui s’attachait au nom de Robespierre, dont personne encore n’avait osé démêler les vues politiques, à travers les flots de sang dont sa mémoire reste souillée. M. Garat seul, dans un curieux mémoire sur Suard, avait osé parler de Robespierre avec une sorte d’estime et de respect ; il le comparait, je crois, à Jésus-Christ, qui naquit humblement, vécut dans l’indif-