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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

quoi faut-il que dans des temps de désordre la raison ne suffise pas ! —

« Ne blâmons pas trop Dumouriez, dit M. Thiers, au moment où il venait d’être nommé commandant en chef des armées du Nord et du Centre, cet homme flexible et habile avait parfaitement deviné la puissance naissante. » Ne blâmons donc pas Dumouriez, et attendons avec M. Thiers, pour le juger rigoureusement, que le pouvoir lui échappe.

Passons rapidement, avec M. Thiers, sur les massacres de septembre et la commune de Paris, dont les expressions commençaient à s’adoucir, après qu’elle eut demandé des forces pour essayer de réduire les prisonniers qui se défendaient ! M. Thiers fait comme tous les honnêtes gens de ce temps-là, il se sauve dans les camps, et, respirant à l’aise dans la belle forêt de l’Argonne, il reprend paisiblement son rôle de curieux. C’est alors que M. Thiers discerne parfaitement les inhabiles et les coupables, les ames courageuses et les esprits timides ; il sait, à point nommé, pourquoi telle chose s’est faite, qui l’a conseillée et qui l’a exécutée ; il vous révélera le secret du moindre mouvement, et la main rigide de l’histoire distribue à chacun, avec exactitude, la justice qui lui revient. M. Thiers ne vous apprendra pas par quelles voies secrètes la royauté se trouva désarmée au 10 août, il ne vous dira pas qui paya Danton, qui solda les assassins de septembre ; il ignore qui servait d’intermédiaire entre Louis xvi et l’émigration, d’où vinrent les espérances données à la coalition ; mais il vous décrira, si vous voulez, en arpenteur consommé, le pays de Sedan, où se mouvaient Dumouriez et les Prussiens ; il vous dessinera les cinq défilés qui traversent l’Argonne, savoir celui du Chêne-Populeux, de la Croix-aux-Bois, de Grand-Prey, de la Chalade et des Islottes. N’oubliez pas que deux routes s’offrent pour se rendre à Grand-Prey et aux Islottes ; que l’une est derrière la forêt et l’autre devant ; l’une plus sûre, mais plus longue ; l’autre plus courte, mais, prenez garde, elle est plus exposée aussi ! Dillon se retrancha aux Islottes, et fit des abattis ; Dumouriez s’établit à Grand-Prey, sur des hauteurs, au pied desquelles se trouvaient de vastes prairies ; l’ennemi était d’un côté de l’Aire, nous de l’autre, et faisant bonne contenance contre lui.