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REVUE. — CHRONIQUE.

été une meilleure réponse à son discours que toutes les menaces. Relevons nos forteresses démantelées par les traités de 1815 ; augmentons nos armées, nos forces navales, s’il est nécessaire ; pesons de toute notre puissance sur l’Orient ; que nos flottes s’ouvrent les portes de la mer Noire ; délivrons surtout la Grèce ; que le pavillon tricolore la protége contre la Russie, cachée sous le drapeau de la Bavière ; et quand l’empereur Nicolas nous adressera ses plaintes, au nom des conventions de la sainte-alliance, nous lui montrerons le traité de 1815, tout percé par sa propre épée et déchiré à Varsovie de sa main. C’est la seule réponse digne de la France, la seule dont l’empereur Nicolas ne se rira pas.

C’est en Grèce surtout que la France doit protéger et venger la Pologne. En secourant la Grèce, en lui prêtant ses soldats de Morée et son or ; en la laissant, avec un désintéressement vraiment antique, se choisir un roi en Allemagne, la France n’avait sans doute pas entendu faire de la Grèce un état allemand, encore moins un état russe. C’est là cependant ce qui est advenu. En ce moment, la Grèce se débat entre l’influence russe et l’influence allemande, entre M. d’Armansperg et le roi Othon. Le jeune roi aurait grande envie d’être Allemand et Bavarois, et de gouverner à Athènes de la façon dont il avait vu son auguste père gouverner à Munich ; mais tant d’indépendance ne lui est pas permise, et le roi se charge lui-même de le mettre à la raison. Le voyage du roi Louis n’a pas un autre but que celui de faire rentrer son fils sous l’obéissance du comte d’Armansperg, l’ennemi le plus actif de la nationalité hellénique. Pour le roi Louis, peu lui importe ; il se fera le lieutenant de la Russie en Grèce, pourvu que les murs et les socles du Parthénon se laissent paisiblement dépouiller de leurs statues et de leurs marbres, et que toutes les richesses classiques de l’ancienne Grèce aillent enrichir les Glyptothèques et les Pinacothèques de Munich, cette pâle et sèche parodie d’Athènes. Si la France souffrait patiemment la domination de ces nouveaux Turcs en Grèce, nous serions peut-être destinés à voir un jour l’empereur Nicolas débarquer au Pirée, et proférer, du haut de l’Acropolis, des menaces pareilles à celles qui ont jeté tant de stupeur dans Varsovie. Mais nous savons que la France ne ratifiera pas, du moins par des complaisances honteuses, les projets de la Russie à l’égard de la Grèce. Il paraît certain que le paiement du troisième tiers de l’emprunt grec, consenti et garanti par la France, a été indéfiniment suspendu par M. de Broglie ; et en vérité, la France ne pouvait consentir à payer plus long-temps les troupes allemandes du roi Othon et les frais de transport des monumens grecs en Bavière. Assurément personne en France ne blâmera cette énergique décision de M. de Broglie, pas même l’ambassadeur de la Grèce, M. Coletti, qui est un des plus purs patriotes de la Grèce, et qui doit gémir de ce qui se passe aujourd’hui dans son pays.

Il faut approuver M. de Broglie dans cette mesure ; mais comment se fait-il que M. de Broglie, esprit prudent et réfléchi, ait si hâtivement adressé au canton de Bâle la note qui fait aujourd’hui le sujet des réclamations du gouvernement fédéral à la France ? Il est évident au-