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facées, presque indéchiffrables de cette époque. Des élémens de second ordre, qu’on ne pouvait point également négliger, se trouvaient jetés çà et là dans les écrits postérieurs des savans et des historiens. Mais nul n’avait encore essayé de réunir tous ces élémens, d’en combler les lacunes par une sage et pénétrante interprétation. Pourquoi ce culte des Romains et des Grecs est-il tombé devant le christianisme ? Comment s’est opéré cette chute ? Ce sont là deux questions diverses qui se tiennent étroitement, et qui, séparées, peuvent donner cependant le jour à deux œuvres différentes. La première a été souvent traitée ; la seconde vient de l’être pour la première fois par M. Beugnot.

Mais s’il est vrai qu’on puisse élever sur ces deux questions deux œuvres différentes, on ne saurait concevoir cependant qu’elles ne soient point traitées simultanément l’une et l’autre dans chacune de ces œuvres. L’une doit dominer, mais l’autre ne peut être entièrement effacée : elles se prêtent mutuellement intelligence et lumière. Le comment et le pourquoi des choses font partie de la même science ; ils répondent à la cause et à l’effet. Parler de la cause sans exposer son effet, ou raconter l’effet sans remonter à la cause, c’est faire une œuvre incomplète, inintelligente, privée de sens.

M. Beugnot a parfaitement compris cela : « Jusqu’au règne de Constantin, dit-il en sa préface, le christianisme lutta contre l’ancien culte par la discussion, par le raisonnement, par la propagation, d’abord secrète, puis publique et courageuse, de ses dogmes ; plus tard il agit ouvertement, et par des faits positifs, contre le paganisme. La première partie de la lutte fut philosophique, la seconde fut en quelque sorte matérielle. Pendant la durée de celle-ci, on vit les chrétiens dépouiller le sacerdoce païen, attaquer les temples, briser les idoles et disperser sur le sol les débris de l’ancien culte. Il est donc évident que l’écrivain qui traitera la première partie de ce sujet produira un ouvrage où les idées joueront un plus grand rôle que les faits, et qu’au contraire celui qui traitera la seconde écrira un ouvrage où les faits domineront les idées, c’est-à-dire un ouvrage historique. Ce caractère est celui que je me suis attaché à donner à mes recherches. »

Malheureusement, il ne suffit pas d’avoir compris la nature de l’œuvre qu’on entreprend, il faut remplir les conditions de son programme. D’après M. Beugnot lui-même, il ne s’agissait pas seulement pour lui de compulser des faits ; il fallait qu’il en connût et jusqu’à un certain point qu’il en dévoilât les causes. Les faits, encore une fois, ne sont que des gestes qui annoncent et réalisent matériellement l’idée, le sentiment, la vie. Or, il n’y a jamais d’intelligible pour l’homme que les idées, les