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être à son vieux sang normand que la Grande-Bretagne doit l’esprit envahisseur qui la distingue.

Pour résumer notre jugement sur le travail de M. Licquet, nous dirons qu’il a fait un livre estimable et surtout consciencieux. Malheureusement cet auteur est totalement dépourvu d’idées philosophiques ; il manque également d’imagination, et son style, lourd et sec, est souvent peu correct. En somme, la lecture de son ouvrage ne peut guère être recommandée qu’aux érudits. Cet ouvrage est précédé d’une Introduction qui a été interrompue par la mort de l’auteur, et que M. Depping a complétée. Cette Introduction offre d’intéressans détails sur les mœurs et la religion des Scandinaves, et la traduction de quelques-uns de leurs poèmes : mais tout cela nous a paru froid ; pour traduire la poésie, il faut être poète, et, comme nous l’avons déjà dit, M. Licquet n’est qu’un érudit.

L’ouvrage de M. Depping vient à la suite de celui de M. Licquet ; il a probablement été sollicité par le libraire, et l’auteur se sera vu forcé de le faire vite. Nous n’y avons trouvé rien de neuf, rien qui n’eût été dit ailleurs, et souvent bien mieux. On lit ces deux volumes pourtant, mais on ne les lit guère que parce qu’ils rappellent une des plus dramatiques époques de l’histoire moderne.

La scène se passe plus souvent en Angleterre qu’en Normandie, et ce devait être, puisque la mère-patrie n’était plus qu’un annexe de la nouvelle conquête. M. Depping donne exactement la liste des traités conclus tant en Normandie qu’en Angleterre ; il n’omet aucun évènement, et assigne à chacun sa date précise : mais on cherche vainement dans son livre les grandes figures à demi barbares qui dominent cette époque. Les noms, les choses y sont ; la vie y manque. À la place de l’homme, on ne trouve qu’un mannequin, capable au plus de tromper les petits enfans. Ceci est frappant surtout dans la lutte du fougueux Henri ii et de l’inflexible Thomas Becket, si vivante et si admirablement peinte dans le livre de M. Thierry.

Tous ces rois normands sont, il faut bien en convenir, de fort vilains hommes, et le sang de Becket n’est pas la plus noire tache du manteau royal d’Henri ii.

L’ouvrage se termine à la réunion de la Normandie à la couronne de France, La Normandie n’a plus d’histoire propre à partir de ce moment, et si quelquefois encore elle fut séparée de la couronne, ce fut comme simple apanage et pour peu de temps.

On trouvera peut-être sévère notre jugement sur ces deux ouvrages ; quelques amis de M. Licquet n’ont pas craint de les mettre en compa-