Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/581

Cette page a été validée par deux contributeurs.
575
HISTOIRE LITTÉRAIRE.

Lorsque la digue opposée par le royaume de Khowaresm aux débordemens vers l’occident, fut enfin emportée par le gigantesque effort de Djenghiz-Khan, Souleïman-Schah, de la famille de Kayi, l’un des plus illustres de la race turque, quitta le Khorassan à la tête des familles de sa tribu, et vint établir ses campemens près d’Akhlath, au voisinage de l’Arménie. La mort de Djenghiz-Khan l’ayant bientôt forcé de quitter cette position avancée, il reprit le chemin de sa patrie, suivi de sa troupe, et périt malheureusement en traversant l’Euphrate à la nage. Cet évènement fut un signal de dispersion pour les familles qui s’étaient groupées autour de lui : les unes demeurèrent en Syrie et allèrent chercher fortune çà et là dans les montagnes ; les autres se rangèrent sous le commandement de ses deux fils aînés, Sounkourtckin et Gountoghdi, et regagnèrent le Khorassan ; enfin, un détachement de quatre cents familles environ, ayant reconnu pour chefs les deux plus jeunes fils de Souleïman, Ertoghrul et Dundar, remonta de nouveau vers l’Arménie, et alla se loger dans la vallée de Sourmeli, près des sources de l’Euphrate.

Cependant, Ertoghrul et son frère, désireux de trouver pour leur tribu un établissement plus favorable, montèrent à cheval à la tête de leurs cavaliers, et se mirent en route vers l’occident, dans le dessein de reconnaître les lieux. Voyageurs insoucians et sauvages, comme ils étaient en train de cheminer à l’aventure au travers de ces régions inconnues, un spectacle vint tout à coup frapper leurs yeux : deux armées étaient en bataille dans une plaine ; on apercevait les escadrons se chargeant et se confondant l’un dans l’autre au milieu des tourbillons de poussière ; mais on était trop loin pour rien distinguer de précis, et l’on ignorait les noms des combattans. À cette vue, l’ardeur guerrière se réveille. Ertoghrul, sans autre délibération, fait vœu à l’instant même de se ranger du côté du plus faible. Il accourt, suivi de ses quatre cents cavaliers, et ce renfort inespéré ayant décidé la victoire, les Turcs reconnaissent dans leur allié inconnu le puissant souverain des Seldjoukides, Alaeddin : les vaincus étaient l’armée des Mongols. Ertoghrul ayant demandé pour toute récompense à ce prince une demeure tranquille et solitaire dans ses états pour lui et ses troupeaux, celui-ci, après l’avoir revêtu d’un habit d’honneur, lui assigna pour séjour d’été les montagnes d’Ermeni, et pour séjour d’hiver les vastes pâturages de Sœgud. Ce fut là le berceau de la puissance ottomane dans l’Asie-Mineure. Peu de temps après, Ertoghrul joignit à cette première possession le district de Sultan-Œni, l’ancienne Phrygia-Epictetos, qu’il reçut en fief des mains d’Alaeddin, pour prix d’une victoire remportée