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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

ait concentré toutes ses susceptibilités, toute sa probité politique, sur la moins importante des questions soulevées au congrès ?

Les Saxons, d’ailleurs, désiraient ou l’intégrité de leur vieille patrie, ou sa réunion à la Prusse ; et si ce dernier projet était repoussé par les préventions populaires, il était favorablement accueilli par les classes éclairées, plus prévoyantes de l’avenir. La réunion d’un petit pays avec un plus grand, opérée avec certaines conditions d’assimilation, peut être un fait social et civilisateur, qui tire sa légitimité de cette qualité même ; mais les démembremens sont à la fois injustes et barbares : ils tuent sans préparer de renaissance.

N’y avait-il pas, d’ailleurs, une insigne mauvaise foi à comparer l’adjonction de la Saxe au partage de la Pologne ? Sans se prévaloir contre ce pays des malheurs de la guerre, on devait néanmoins reconnaître qu’il était alors occupé, ce qui établit une immense différence entre la réunion par un traité et le guet-apens de 1772. De plus, nulle incompatibilité ne séparait les Saxons des Prussiens : la langue et la religion, ces deux grandes bases des nationalités, ces deux puissans mobiles d’agglomération, étaient les mêmes. Le lien moral de la famille saxonne n’eût pas été violemment rompu, puisque le roi de Prusse n’aspirait au trône de Saxe qu’en tenant les deux couronnes séparées. C’était ainsi que des intérêts particuliers et transitoires pouvaient se fondre dans des intérêts plus généraux, et que ce rêve d’unité politique qui tourmente les intelligences au nord comme au midi de la Germanie, eût reçu un commencement d’exécution, pierre d’attente de l’avenir.

La France ne pouvait abandonner le roi de Saxe au malheur d’une situation fatale ; ce n’était point à elle de lui faire un crime de sa fidélité à notre fortune chancelante. Mais une compensation était offerte à ce prince, et l’intérêt français éclatait en cette occasion avec une telle évidence, qu’on a peine à comprendre qu’il ait été à ce point méconnu. On sait que la souveraineté des provinces rhénanes était destinée au vieux et respectable monarque, qui se fût trouvé en accord de sentimens et de croyances avec ces populations paisibles et florissantes, qu’on ne consulta pas, d’ailleurs, pour les livrer à la Prusse, alors que par scrupule on se refusait à abandonner la Saxe à cette puissance. En admettant même comme démontrée l’impossibilité de reconstituer la Pologne, il est facile de reconnaître combien la création d’une souveraineté indépendante dans les provinces rhénanes importait à nos véritables intérêts, si étrangement méconnus. Un tel état eût complété cette ceinture de petites puissances qui entourent nos frontière et les