Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/544

Cette page a été validée par deux contributeurs.
538
REVUE DES DEUX MONDES.

lui. L’Europe n’avait rien à redouter d’une telle combinaison : on sait ce que sont les alliances de famille, et combien la voix du sang se tait vite sous une couronne. L’exemple de la maison d’Anjou à Madrid, de la branche de Sicile à Naples, celui des membres de la famille de Napoléon, étaient présens aux négociateurs de 1815 ; Murat, Louis Bonaparte et Bernadotte n’attestaient-ils pas quelle soudaine adoption confère un trône ?

La déplorable combinaison à laquelle s’arrêta le congrès a été pour la Pologne l’origine de toutes ses calamités, la cause et le principe du mouvement imprudent qui les a provoquées. Cette situation, qui laissait aux Polonais l’ombre d’une patrie, pour les empêcher de s’endormir dans la servitude, qui leur mettait les armes à la main, en leur inspirant la fatale tentation de s’en servir, qui leur donnait tout le matériel d’un gouvernement, sans leur en assurer les bienfaits, était, de toutes les combinaisons, la moins propre à garantir la paix de l’Europe. Mieux valait, et tous les hommes éclairés en tombaient d’accord, un partage pur et simple qu’une telle parodie de ce qu’il y a de plus sacré sur la terre après la religion, la patrie.

L’on ne comparera pas certainement, sous le rapport de l’importance européenne, un royaume que, sans aucune supputation exagérée, l’on pouvait porter au moins à huit millions d’hommes, à la Saxe royale, ouverte à tout venant, et dont le souverain conserve à peine ce qu’il faut de sujets pour jouer son rôle de roi ; à cette Saxe dont l’Europe, tout en la morcelant, semblait faire l’objet de ses plus hautes sollicitudes. Il est resté depuis vingt ans démontré par les faits que le royaume de Saxe, aussi bien que les souverainetés liliputiennes qui l’entourent, ont été et seront constamment inutiles et à la politique générale, qui fait bon marché de l’existence de la Saxe dans toutes les combinaisons d’avenir, et à l’action particulière de la France en Allemagne. Le seul point d’appui du système français, la guerre advenant, serait, comme chacun sait, dans les états constitutionnels du second ordre de l’Allemagne méridionale.

Quant à la question de droit, une observation péremptoire. Comment expliquer que, lorsqu’on abandonnait sans la moindre résistance Venise et Gênes, deux nobles états, l’ordre de Malte protégé par de glorieux souvenirs ; quand on ne donnait pas même un regret à la Pologne, qu’on réunissait la Belgique et la Hollande sans se préoccuper en rien du consentement préalable des deux peuples à cette union contre nature, et qu’on se distribuait les colonies des deux hémisphères comme la petite monnaie restant après un apurement de comptes, on