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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

brutalité, l’hypocrisie avec l’impudeur, témoignait de la sauvage abjection où les doctrines athées avaient conduit les peuples et les rois. Le ministère Dubarry supporta ce qu’il n’était pas digne d’empêcher, et Louis xv s’enferma dans son sérail, en donnant un regret au duc de Choiseul, qui eût eu plus de pénétration sans avoir peut-être plus de puissance. Près d’un siècle s’est écoulé depuis ce crime, et l’Europe le paie chaque jour davantage. Ce rempart lui manque de plus en plus ; et quand l’extension de la Russie l’aura portée sur Constantinople, une telle situation deviendra intolérable.

Ce n’est pas en 1815 qu’on pouvait accueillir ou ces prévisions lointaines ou ces vues réparatrices. De toutes les réunions dans lesquelles le sort du monde fut débattu, le congrès de Vienne est celle où il a été joué avec plus de légèreté et d’imprévoyance. Des complaisances réciproques, quelques combinaisons factices dont la création du royaume des Pays-Bas fut la principale, une absence complète de doctrines qui fit résoudre toutes les questions par des moyens termes, lever tous les embarras par des expédiens sans portée, tel fut l’esprit de ces conférences fameuses où l’on se tint en même temps en dehors du passé et de l’avenir.

Les actes de Vienne appartiennent, sous le rapport européen, au mouvement d’idées qui caractérisa la restauration en France. On tenta sans foi sérieuse dans son œuvre, et sans appui dans les sympathies des peuples, de créer des principes et d’en concilier de contradictoires ; on régularisa l’antagonisme, parce que le moment n’était pas venu d’établir l’harmonie. Le congrès de Vienne fut le terme où vint expirer la politique toute mécanique qui régit l’Europe depuis la paix de Westphalie. À titre de transition vers l’ère qui se prépare, il doit arrêter notre attention, surtout en ce qui concerne la France, dont le rôle, durant le cours de ces transactions, est généralement peu et mal connu. En 1815, l’Angleterre et l’Autriche élevèrent seules sur un plan, sinon rationnel, du moins fort habile, le laborieux édifice de leur grandeur présente ; le congrès de Vienne fut, pour l’une comme pour l’autre, le sommet de la puissance. La Russie ne voyait pas clair encore dans ses destinées ; son généreux souverain cédait au vieil esprit russe en gardant la Pologne, et à l’esprit nouveau en la constituant indépendante avec une constitution représentative. La Prusse rencontra, pour ses vues sur la Saxe, des résistances qu’il est difficile de comprendre, en présence de l’inexplicable abandon où l’on laissa tomber de prime-abord la question polonaise. La France n’apporta dans ces débats aucune vue large et féconde ; elle les rétrécit aux proportions de