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REVUE MUSICALE.

grands effets musicaux. Pour la langue, M. Mélesville et ses patrons, M. Scribe et M. Delavigne, en ont fait voir toute la vanité en nous prouvant combien il est facile d’obtenir sans son secours des succès au théâtre. La musique de l’ouvrage intitulé Mathilde est de M. Caraffa. M. Mélesville a tant de bonheur, que je ne m’étonnerais pas que cette musique fût remarquable. Avec Zampa, Hérold a bien trouvé le moyen d’écrire sa plus belle partition. Pourquoi M. Caraffa n’aurait-il pas fait son chef-d’œuvre avec Mathilde ?

Pour venger l’affront que l’école française va subir à l’Opéra-Comique, une société de gens de lettres a demandé au ministère le privilége d’ouvrir le théâtre de l’Odéon, pour y représenter des opéras en un acte, écrits par les jeunes musiciens revenus de Rome. N’est-ce pas là une idée bouffonne. À une époque où Beethoven et Weber ont vécu, où Cherubini et Rossini vivent encore, il est assez curieux qu’on vienne proposer d’écrire des opéras en un acte à des jeunes gens qui rêvent tous des effets grandioses, et sont à l’étroit dans les limites d’un orchestre de nos jours. Or, savez-vous ce que c’est qu’un opéra en un acte ? Si vous l’ignorez, M. Adam vous le dira, lui qui en a tant fait.

Un opéra en un acte se compose d’une romance, d’une walse, d’un chœur de villageois, et d’une ouverture qui résume les principaux motifs, c’est-à-dire la romance, la walse et le chœur des villageois. Et voilà ce qu’on propose aux jeunes musiciens, voilà ce qu’on veut introduire dans une salle où vibrent encore les souvenirs du Don Juan de Mozart, du Freyschütz de Weber, de l’Othello de Rossini ! Insensés qui croient qu’il faut ouvrir des salles nouvelles pour que le génie puisse se produire ; comme si le génie n’avait pas en lui la puissance et la vertu de forcer tôt ou tard les portes des édifices consacrés !


H. W.