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REVUE MUSICALE.

dant lorsque tout fut rentré dans l’ordre, lorsque le peuple se fut repu à son aise de la poésie de M. Delavigne, les théâtres reprirent leur marche accoutumée, et un beau soir, comme Nourrit chantait à l’Opéra, le public s’aperçut que la voix éclatante d’Arnold et de Mazaniello était restée dans les plis du drapeau tricolore. Heureusement cet accident n’eut pas de suite, et la révolution de juillet n’eut d’autre influence que celle d’un rhume sur l’organe du fougueux chanteur. Si pareille occasion se représentait jamais, je suis sûr que Nourrit étoufferait son zèle plutôt que de laisser son zèle étouffer sa voix. Les unissons et les Marseillaises sont funestes aux chanteurs.

La saison du Théâtre-Italien s’annonce glorieusement ; et comment cela pourrait-il ne pas être avec des chanteurs tels que Rubini, Lablache, Tamburini, voués à l’exécution du plus magnifique répertoire qui se puisse imaginer, du répertoire de Mozart, de Cimarosa et de Rossini ?

À l’Opéra, de tristes évènemens ont signalé l’arrivée de M. Duponchel. Mme Damoreau s’est retirée ; Fanny et Thérèse Elssler ont pris toutes deux leur essor du côté de Vienne, et Mlle Taglioni est tombée un soir, de l’air où elle volait, sur un canapé où reposent avec elle les destinées du nouveau directeur. C’est un mauvais augure quand les oiseaux abandonnent ainsi leur cage pour aller s’abriter ailleurs. Il ne fallait rien moins que cet état de dénuement et de confusion pour qu’on se souvînt à l’Opéra qu’il existait quelque part une bonne déesse qui, dans des temps plus heureux, avait conduit bien haut sa fortune, et qu’après tout, puisque la danse manquait, on pouvait bien avoir recours à la musique sans faire un trop grand sacrilége. Ainsi donc, chose étrange, c’est à la musique que l’Opéra chancelant commet le soin de sa fortune ; c’est elle qui va se charger d’occuper les loisirs du public pendant tout un hiver. L’entreprise est grave et la responsabilité dangereuse ; mais n’importe, la musique dispose encore à l’Opéra d’assez grandes richesses pour qu’il soit permis d’espérer qu’elle tiendra dignement et de pied ferme le champ d’où la danse se retire en traînant l’aile comme une alouette blessée. Aux brillans débuts de Mlle Flécheux doit succéder bientôt le Siége de Corinthe, qui fera patiemment attendre l’œuvre de