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LA TRAGÉDIE AVANT SHAKSPEARE.
L’OMBRE.

Éveille-toi, Vengeance, explique-moi ce mystère.

LA VENGEANCE.

Les deux premiers portaient les torches nuptiales qui brûlaient avec l’éclat du soleil de midi ; mais la déesse de l’hymen accourt sur leurs pas, vêtue de deuil et d’une robe couleur de safran. Elle souffle leurs torches et les éteint dans du sang, comme mécontente que les choses se passent ainsi.

L’OMBRE.

Il me suffit de comprendre ta pensée. Graces te soient rendues, à toi et aux puissances infernales, qui ne permettront pas le malheur d’un amant ! Reste tranquille, je vais m’asseoir pour voir le reste.

LA VENGEANCE.

Ne réclame donc plus, car il est fait droit à ta requête.


ACTE CINQUIÈME.


Bel-Imperia, dupe de l’apparente réconciliation de don Hieronimo avec ses ennemis, lui reproche d’oublier son fils assassiné. Le vieux père se justifie, et ils se promettent tous deux de concerter leur vengeance. En ce moment viennent Balthazar et Lorenzo. Ils demandent à don Hieronimo de faire représenter une pièce pour divertir la cour. — Nouvelle analogie avec Hamlet. — Hieronimo leur propose de jouer avec lui et Bel-Imperia une tragédie de sa composition, intitulée Solyman et Perseda.

Cette tragédie existe. Quoiqu’on n’en sache pas positivement l’auteur, il est à présumer qu’elle est de Kyd, comme la Tragédie espagnole. Du reste, le sujet en est presque le même : mais l’exécution m’en paraît bien inférieure.

Don Hieronimo distribue donc à chacun son rôle. Don Lorenzo fera Erastus, le chevalier de Rhodes ; don Balthazar, le grand Solyman, empereur des Turcs ; Bel-Imperia, la chaste et courageuse Perseda ; lui-même, il se réserve le rôle du Bacha, du meurtrier.

Don Balthazar, comme par un pressentiment, préférerait une comédie ; mais don Hieronimo insiste pour une « tragœdia cothurnata ; » et pour plus de variété, il lui vient en tête une idée des plus bizarres.