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lui ses serviteurs les plus dévoués, ses maîtres les plus intelligens, ses meilleurs amis. C’est un bon militaire qu’il faudrait lui donner pour gouverneur, et en France on n’en manque pas ! mais il faudrait que ce gouverneur fût seul maître ! »

L’empereur continua de parler encore quelque temps sur ce ton, puis il congédia M. de F*** qui ne fut pas peu surpris de le trouver aussi bien instruit de toutes les menées et des intrigues de ceux qu’on pourrait appeler à juste titre les exploitateurs du vieux roi.

C’est que l’empereur Nicolas, grâce à un excellent jugement et à des renseignemens exacts, sait apprécier, de loin comme de près, les hommes et les choses ; sa police est sans contredit la mieux faite et la plus habile de toutes celles des souverains de l’Europe. Il y aurait de curieux détails à donner sur les agens qu’il emploie seulement à Paris ; à quelques-uns d’entre eux, l’élégance ne manque pas plus que la fortune ; ils servent leur maître, et croient remplir un devoir ; en un mot, c’est le dévouement russe, cette aveugle et inexplicable passion, qui les fait agir.

En Prusse, on trouve aujourd’hui des dispositions pareilles. M. de Werther, dont on connaît les bonnes dispositions pour la France, ne sera pas rappelé, et se dispose, au contraire, à ajouter à l’éclat et aux plaisirs de la joyeuse saison qui se prépare à Paris. Le roi de Prusse goûte beaucoup notre ambassadeur, M. Bresson, et les relations entre les deux pays deviennent de plus en plus faciles. Ce bon accord, on le doit encore à M. de Broglie et à M. Guizot, qui entretiennent depuis longues années une correspondance active avec M. Ancillon et avec M. de Humboldt, qu’on a envoyé tout exprès à Paris pour renouveler l’alliance intime de ces trois ministres historiens.

Assurément nous ne saurions approuver la plus grande partie des actes du ministère de MM. de Broglie et Guizot, et encore moins les pensées d’avenir qu’on leur prête. S’il est vrai qu’ils aient le dessein de nommer des pairs ecclésiastiques, si une loi supplémentaire de la presse, encore plus rigoureuse et plus restrictive, doit être présentée dans la session prochaine, quels que soient les dangers que présentera le rôle d’écrivain d’opposition, nous ne défaillirons pas à notre tâche. Personne n’a opposé un blâme plus vif que le nôtre à la violence et à l’intimidation dont MM. de Broglie et Guizot ont fait ouvertement un système ; mais nous devons aussi leur rendre justice.

Ce sont des hommes politiques dans toute l’étendue du mot, qui ne gouvernent pas avec leurs passions particulières, qui n’administrent pas d’après leurs intérêts privés, qui n’apportent pas, dans les discus-