Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/360

Cette page a été validée par deux contributeurs.
356
REVUE DES DEUX MONDES.

souillée, hélas ! rayée à son tour par d’injurieux passans, par les passions insultantes et railleuses :


Mais qu’importe à la cloche et qu’importe à mon ame !
Qu’à son heure, à son jour, l’esprit saint les réclame,
Les touche l’une et l’autre, et leur dise : Chantez !
Soudain par toute voie et de tous les côtés
De leur sein ébranlé rempli d’ombres obscures,
À travers leur surface, à travers leurs souillures,
Et la cendre et la rouille, amas injurieux.
Quelque chose de grand s’épandra dans les cieux.


Et c’est alors que les foules au loin écoutent et s’inclinent, que le sage pieux redouble de croyance, que la vierge et le jeune homme enthousiastes adorent dès ici-bas la réalisation de leurs rêves infinis. Oh ! non, tout cela n’est pas menteur ; c’est la voix de Dieu même qui parle par ces instrumens magnifiques, où, pendant le saint moment, a disparu toute souillure. — Nous renvoyons bien vite le lecteur, excité par notre analyse, à ce grand morceau de poésie ; nous n’y voudrions retrancher ou corriger que deux endroits. Dans la peinture des passions qui s’essaient tour à tour à ternir notre ame, le poète les montre


Qui viennent bien souvent trouver l’homme au saint lieu,
Et qui le font tinter pour d’autres que pour Dieu.


Il est fâcheux que, par son besoin immodéré de suivre l’analogie de l’image matérielle jusque dans ses moindres circonstances, M. Hugo fasse ainsi tinter l’homme. Il sied aux comparaisons et similitudes dans la poésie, à part les grands traits généraux, d’être libres chemin faisant et diverses. Les anciens dans leurs comparaisons excellaient à cette généreuse liberté des détails, et si les modernes, par suite de l’esprit croissant d’analyse, ont dû se ranger à plus de précision, il ne faudrait jamais que cela devînt d’une rigueur mécanique appliquée aux choses de la pensée. L’autre endroit que je voudrais corriger est celui où l’auteur montre la cloche et l’ame, chantant et sonnant à la voix du Seigneur, quelles que soient les souillures contractées ; le passage finit par ce vers :


Chante, l’amour au cœur et le blasphème au front.