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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

qui, au premier coup de canon, seront occupées par la France, pour qu’elles ne le soient pas par la Prusse ; à la Belgique, puissance commerciale et maritime, qui ne peut vivre que par des traités : c’est là ce que le gros bon sens d’un bourgeois appellerait une extravagance, et ce que n’a pas craint de décréter la plus haute autorité politique de l’Europe.

Mais rendons justice à la conférence : elle était fixée sur la valeur de son œuvre. Elle savait si bien que la neutralité de la Belgique était une pure illusion, et que le nouvel état recevrait, la guerre advenant, garnison française dans toutes ses forteresses, sans plus de résistance que Lille ou Valenciennes, qu’elle stipula la démolition de ces places fortes. Ceci, au moins, a un sens : l’Europe veut se défendre, et en cela elle joue son rôle. Mais comment s’expliquer qu’en 1832 l’opposition fît un crime au pouvoir de ce qu’il n’avait pas encore été donné suite à cette clause, au lieu de lui reprocher avec beaucoup plus de fondement de l’avoir consentie ?

De toutes les concessions faites par la France à la paix du monde, cette démolition de forteresses érigées avec l’or de notre rançon, est peut-être l’une de celles sur lesquelles le patriotisme et l’honneur pourraient hésiter davantage ; et cependant un discours de la couronne et des harangues ministérielles l’ont présentée comme une victoire[1].

La neutralité belge, conception sans base, qui ne se peut justifier que par son inanité même, eut pour pendant, du côté de la France, le fameux principe de non-intervention, improvisé pour les difficultés du premier moment, et qui faillit en créer de plus sérieuses, quand se développèrent les affaires d’Italie.

Il faut le dire, à moins de se déclarer prêt à soutenir de l’or et du sang de la France toutes les révolutions qui éclateraient des bords du Tage à ceux de la Neva, il était difficile de trouver une doctrine plus large et plus commode pour les fauteurs de ces révolutions prochaines. La non-intervention eût, en effet, obligé l’Europe à assister, l’arme au bras, à tous les soulèvemens qui se fussent tramés contre elle ; c’est ainsi que, pour compenser une absurdité par une autre, la France ne pouvait prévenir une restauration à Bruxelles, ni l’Autriche réprimer une insurrection à Modène, qui, dans moins d’un mois, amenait infailliblement une révolution à Milan. Un parti donna sans doute à ce principe une extension qu’on n’avait pas entendu lui imprimer en le pro-

  1. Discours du trône, ouverture de la session de 1831. Casimir Périer, séance du 8 mars 1832.