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veillait alors à un intérêt plus social que la rectification de ses frontières.

L’Autriche aussi ne peut que perdre à tout remaniement du système européen, car elle est arrivée à l’apogée de sa grandeur et de son influence ; elle appartient donc à l’alliance anglaise, avec la Porte ottomane, plus compromise encore. La Prusse, mal à l’aise dans ses frontières, aspirant à rendre sa puissance plus compacte et moins précaire, adhère à la Russie, moins, comme on le voit, par intimité de famille, que par instinct et gravitation naturelle. Dans la confédération germanique, des états du second ordre, la Bavière, par exemple, inclinent vers ce système, parce que lui seul ouvre des chances aux cabinets ambitieux, laisse de l’espoir aux peuples qui souffrent.

D’un côté l’Angleterre et l’Autriche, de l’autre la Russie et la Prusse ; ceux qui ne songent qu’à conserver et ceux qui aspirent à acquérir, les états qui grandissent et ceux qui tombent, le présent en face de l’avenir, les étoiles nouvelles devant les astres qui pâlissent : si cette division de l’Europe n’est pas écrite dans des traités, on peut affirmer qu’elle gît au fond des choses, comme une force occulte, mais vivante : quand l’heure aura sonné, la France, en intervenant, fera pencher la balance et fixera le sort du monde.

Mais le gouvernement de 1830 devait laisser dormir cette pensée. Il eût été coupable de l’éveiller il y a quatre ans ; il serait plus coupable encore de ne pas lui donner à l’instant favorable satisfaction large et complète.

Ce sera donc en raisonnant d’après la nécessité démontrée de maintenir les traités, en tant que leur maintien était compatible avec l’honneur, le premier des intérêts pour un peuple comme pour un homme, que nous jetterons un coup-d’œil sur les principales transactions diplomatiques intervenues depuis la révolution de 1830.

Il y avait tout un système dans le choix de M. le prince de Talleyrand et dans son prompt départ pour Londres. Un esprit aussi éclairé ne pouvait manquer d’envisager l’alliance anglaise sous deux faces : d’abord comme garantie de paix générale qu’on pouvait consolider encore par l’accession de l’Autriche, en combinant les données sur lesquelles avaient négocié l’abbé Dubois en 1718, et l’abbé de Bernis en 1756, puis comme garantie pour le maintien de la dynastie nouvelle. N’était-ce pas par l’alliance britannique qu’un autre duc d’Orléans avait assis son pouvoir, menacé par les trames d’Alberoni et les résistances d’une grande partie de la noblesse ? N’était-ce pas par le concours de l’Angleterre qu’une lutte pouvait devenir redoutable dans les pro-