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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

tendance à imprimer à cette révolution le caractère froid et positif d’un fait, non le caractère vague et envahisseur d’un principe ?

Lorsque, deux mois à peine après les événemens de juillet, un député s’efforçait de rallier l’opposition naissante à un formulaire nouveau, et qu’en réclamant une enquête sur l’état du pays, il proposait un vote de blâme contre le ministère[1], au milieu des reproches qu’il empruntait à la polémique des partis désabusés, le premier et le plus grave à ses yeux, n’était-ce pas d’avoir appelé à une haute participation à nos affaires étrangères celui que M. Mauguin qualifiait du titre de patriarche du droit divin ? Le choix de M. de Talleyrand était, en effet, plus significatif pour les esprits éclairés, et d’une plus grande portée, même pour l’opinion populaire, que toutes les banalités d’opposition accumulées dans une spirituelle harangue. La lutte entre le droit divin et la souveraineté du peuple était, au fait, le thème le plus fécond que l’opposition pût développer ; par lui, ses rangs se grossirent de tous ceux pour lesquels la révolution était une doctrine, au lieu de n’être qu’un fait puissant et social. Tel homme croit s’être séparé du ministère Périer à l’occasion du vote d’une mesure parlementaire, qui a cédé à sa répugnance contre un système pacifique et conciliant. L’homme de parti, qui s’abuse souvent sur les motifs, ne se trompe jamais sur le but ; or, le but véritable d’une opinion était la guerre, et le but de l’autre était la paix : ces deux idées furent après 1830 comme les deux pôles du monde politique.

Une foule de considérations étaient chaque matin habilement développées pour appuyer ces dispositions guerrières. L’un voulait en finir avec la halte dans la boue, un autre insistait pour que la France renforçât son système fédératif et reprît ses frontières ; ici l’on invoquait l’intérêt national, là l’obligation de tenir envers tous les peuples l’engagement que le triomphe du principe de juillet nous avait fait contracter. Tel orateur faisait de la haute politique la mappemonde sous les yeux, tel autre faisait manœuvrer les armées de l’univers, depuis celles du schah de Perse jusqu’à la garde nationale mobilisée ; mais ces harangues, sentant la lampe, se résumaient dans ces paroles imperturbables par lesquelles Lafayette dosait à peu près toutes les discussions diplomatiques ; « Il faut nécessairement que le droit divin disparaisse devant la souveraineté des peuples, ou que cette souveraineté recule devant lui. » Argument qui rappelle le fameux manifeste turc avant les conférences d’Akermann et la guerre de 1828 : Toutes les puissances

  1. Séance du 29 septembre 1830. — Motion de M. Mauguin.