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plus du dehors que du dedans, et que, si l’on pouvait, à toute rigueur, organiser une monarchie bourgeoise par la paix, il y avait impossibilité à le tenter par la guerre. Il assit dès-lors sur cette question tout l’édifice de ses destinées.

Éviter une collision avec l’étranger, préserver ainsi la révolution des chances incertaines, et mériter la reconnaissance de l’Europe en lui épargnant des chances plus incertaines encore, telle fut son idée fixe, la préoccupation incessante de ses jours et de ses nuits. Le prince, dont une disposition tout au moins étrange interdit d’apprécier l’influence personnelle sur le gouvernement qu’il a fondé, vécut l’œil attaché sur l’Europe, plus soucieux des dépêches de ses ambassadeurs que de la correspondance de ses préfets, assuré d’avoir bon marché de l’émeute, si sa diplomatie parvenait à conjurer la guerre. Ce fut ainsi que l’action politique s’exerça surtout du dehors au dedans, et que les questions intérieures se trouvèrent complètement subordonnées à celles de nos relations étrangères.

Pour suivre l’ordre logique des idées plutôt que celui des faits, il semble donc à propos de faire précéder l’appréciation des actes politiques et administratifs de la monarchie de 1830 de l’étude de son système européen. L’incertitude sur nos rapports avec les puissances étrangères fut, en effet, la cause principale des péripéties qu’on peut signaler dans la situation de la France ; incertitude qui se maintint jusqu’à la conclusion du traité du 15 novembre 1831 sur les conditions de séparation de la Belgique, acte par lequel l’Europe, en autorisant implicitement l’emploi des mesures coercitives contre la Hollande, donna un gage décisif au système élaboré pendant dix-huit mois.

Que si l’on apprécie sous l’influence de cette pensée les évènemens accumulés dans cette période : espérances ardentes suivies d’amères déceptions, soudaines révélations de haines implacables, inquiétudes universelles, et tentatives avortant faute de concours, peut-être toute cette sombre époque s’éclairera-t-elle davantage.

Pourquoi les soldats ambitieux de l’empire dont le bâton de maréchal s’était brisé à Waterloo, les membres des sociétés démagogiques, les puritains de 91, pourquoi tant d’hommes réunis dans leur opposition, sans l’être par leurs principes, se sont-ils tout à coup trouvés rejetés en dehors du gouvernement, sans qu’il soit possible d’assigner les termes précis de cette scission éclatante ? Ne serait-ce pas que les allures diplomatiques et réservées de ce pouvoir sorti d’une révolution, choquaient ou leur tempérament ou leurs idées, qu’ils devinèrent sa