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REVUE DES DEUX MONDES.

JACQUELINE.

C’est un secret que j’ai à vous dire, et j’hésite par deux motifs : d’abord vous pouvez me trahir, et en second lieu, même en me servant, prendre de moi mauvaise opinion.

FORTUNIO.

Puis-je me soumettre à quelque épreuve ? Je vous supplie de croire en moi.

JACQUELINE.

Mais, comme vous dites, vous êtes bien jeune. Vous-même, vous pouvez croire en vous, et ne pas toujours en répondre.

FORTUNIO.

Vous êtes plus belle que je ne suis jeune ; de ce que mon cœur sent, j’en réponds.

JACQUELINE.

La nécessité est imprudente. Voyez si personne n’écoute.

FORTUNIO.

Personne ; ce jardin est désert, et j’ai fermé la porte de l’étude.

JACQUELINE.

Non ! décidément je ne puis parler ; pardonnez-moi cette démarche inutile, et qu’il n’en soit jamais question,

FORTUNIO.

Hélas ! madame, je suis bien malheureux ! il en sera comme il vous plaira.

JACQUELINE.

C’est que la position où je suis n’a vraiment pas le sens commun. J’aurais besoin, vous l’avouerai-je ? non pas tout-à-fait d’un ami, et cependant d’une action d’ami. Je ne sais à quoi me résoudre. Je me promenais dans ce jardin, en regardant ces espaliers ; et je vous dis, je ne sais pourquoi, je vous ai vu à cette fenêtre, j’ai eu l’idée de vous faire appeler.

FORTUNIO.

Quel que soit le caprice du hasard à qui je dois cette faveur, permettez-moi d’en profiter. Je ne puis que répéter mes paroles ; je mourrais de bon cœur pour vous.

JACQUELINE.

Ne me le répétez pas trop ; c’est le moyen de me faire taire.

FORTUNIO.

Pourquoi ? c’est le fond de mon cœur.