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REVUE DES DEUX MONDES.

les bras ? c’est affaire à vous de dormir. Écoutez-moi, j’ai à vous parler. Hier au soir, Landry, mon clerc…

JACQUELINE.

Hé, mais, bon Dieu, il ne fait pas jour. Devenez-vous fou, maître André, de m’éveiller ainsi sans raison ? de grace, allez vous recoucher. Est-ce que vous êtes malade ?

MAÎTRE ANDRÉ.

Je ne suis ni fou ni malade, et vous éveille à bon escient. J’ai à vous parler maintenant ; songez d’abord à m’écouter, et ensuite à me répondre. Voilà ce qui est arrivé à Landry, mon clerc ; vous le connaissez bien…

JACQUELINE.

Quelle heure est-il donc, s’il vous plaît ?

MAÎTRE ANDRÉ.

Il est six heures du matin. Faites attention à ce que je vous dis ; il ne s’agit de rien de plaisant, et je n’ai pas sujet de rire. Mon honneur, madame, le vôtre, et notre vie peut-être à tous deux, dépendent de l’explication que je vais avoir avec vous. Landry, mon clerc, a vu cette nuit…

JACQUELINE.

Mais, maître André, si vous êtes malade, il fallait m’avertir tantôt. N’est-ce pas à moi, mon cher cœur, de vous soigner et de vous veiller ?

MAÎTRE ANDRÉ.

Je me porte bien, vous dis-je ; êtes-vous d’humeur à m’écouter ?

JACQUELINE.

Eh ! mon Dieu, vous me faites peur ; est-ce qu’on nous aurait volés ?

MAÎTRE ANDRÉ.

Non, on ne nous a pas volés. Mettez-vous là, sur votre séant, et écoutez de vos deux oreilles. Landry, mon clerc, vient de m’éveiller, pour me remettre certain travail qu’il s’était chargé de finir cette nuit. Comme il était dans mon étude…

JACQUELINE.

Ah ! sainte Vierge, j’en suis sûre ! vous aurez eu quelque querelle à ce café où vous allez.

MAÎTRE ANDRÉ.

Non, non, je n’ai point de querelle, et il ne m’est rien arrivé. Ne voulez-vous pas m’écouter ? Je vous dis que Landry, mon clerc, a vu un homme, cette nuit, se glisser par votre fenêtre.

JACQUELINE.

Je devine à votre visage que vous avez perdu au jeu.