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REVUE. — CHRONIQUE.

formés avec des blocs de rochers. La parole de M. Michelet, si compacte et si rayonnante, eût rendu un double service au lecteur et à Luther lui-même. Cette lecture a tout le pathétique et l’intérêt d’une œuvre d’imagination, toute la gravité et l’importance d’un récit historique. Nous nous proposons d’examiner une autre fois plus en détail cette nouvelle publication de M. Michelet.


Almaria, tel est le titre du nouveau roman de M. Jules de Resseguier ; un nom de femme, passionné comme le soleil d’Espagne, chaste et mystérieux comme les galeries silencieuses des monastères. Ce livre est plein de grâce, de finesse et de sensibilité ; le style en est doux et transparent, aucune aspérité de langage n’y vient heurter à plaisir l’oreille et le bon goût ; on pourrait même lui reprocher quelquefois une teinte trop vaporeuse, et des ressouvenances rhythmiques et musicales ; la démarcation entre la prose et la poésie doit être nette et bien tranchée. Almaria est belle et de noble race. « Un jour qu’elle passait seule dans une galerie où, à travers les stores baissés, le soleil animait les statues, colorait les arabesques, et se plongeait dans l’éclat des glaces, elle s’arrêta devant un grand miroir de Venise, et vit toute sa personne, depuis son petit pied mince et bombé jusqu’à ses longs cheveux plus noirs et plus brillants que le jais de sa ceinture ; elle regarda sa taille élégante et flexible, la pose harmonieuse de son cou, ses sourcils doux et prononcés, ce feu de physionomie arabe qui animait la régularité de ses traits moulés sur le type grec ; elle s’admira. » Almaria veut se consacrer tout entière à Dieu ; elle refuse la main de Fernand, mais le ciel n’accepte pas ce sacrifice ; elle fait naufrage ; sauvée par un marchand d’esclaves, elle est vendue au roi de Tunis. Refuser un chrétien pour épouser un turc, et un vieux turc, c’est jouer de malheur ; il est vrai qu’Almaria est un peu arabe. Après la mort du roi de Tunis, Almaria abandonne sa couronne, et revient, fidèle à son premier projet, mourir dans un couvent. Les caractères de Zeyn, de Michaëla, de Stephano, de Fernand, jetés dans ce roman, sont dessinés avec grâce et vigueur. C’est une lecture douce, touchante, et qui donnera à M. de Resseguier, parmi nos romanciers, le rang si distingué qu’il occupe déjà parmi nos poètes.


— Ce serait mal servir les intérêts de la poésie, que de laisser croire à M. Adolphe Dumas qu’il a produit une épopée. La Cité des Hommes[1],

  1. Chez H. Dupuy, rue de la Monnaie.