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ÉTUDES DE L’ANTIQUITÉ.

de splendeur des vertus et des qualités de l’humaine nature ; la force et la beauté y sont accablées d’éloges ; l’homme y est incessamment provoqué à saisir le bonheur et la gloire ; pas d’abattement, pas de stériles langueurs ; à travers les siècles la grande voix du poète semble vous appeler au courage et au triomphe dans les luttes de la vie, comme la trompette éclatante qui résonnait aux jeux olympiques.

L’exaltation de la force conduisit Pindare au sommet de l’orgueil. Il se sait dans sa puissance et se connaît dans sa divinité. N’est-il pas l’hôte d’Apollon ? Il condescend aux prières des vainqueurs et consent à les chanter. Il est inépuisable dans son génie ; après une longue course, il s’écrie : « J’ai encore beaucoup de traits dans mon carquois[1]. » Ailleurs il veut montrer s’il ne mérite pas d’échapper à l’outrage du porc de Béotie[2]. Dans un de ses chants il se compare au père de famille qui verse un vin abondant à ses enfans ; de même, il verse aux athlètes vainqueurs le nectar, présent des muses[3]. Parfois, au milieu de ses odes, il arrive au poète de jurer qu’il dit la vérité ; car il se considère comme un arbitre souverain qui a pour devoir de partager aux hommes la gloire et la renommée avec une incorruptible équité[4]. Comme il sait que ses vers n’ont à redouter ni les torrens, ni les fureurs des vents[5] il ne craint pas de mettre à haut prix la faveur de ses odes. Les amis de Pytheas d’Égine, vainqueur aux jeux de Némée, avaient songé à confier l’immortalité de sa victoire à une statue qu’ils voulaient lui faire ériger. Il leur semblait que le poète estimait trop la valeur de ses vers ; mais ils abandonnèrent le projet d’une statue pour revenir implorer une ode de Pindare. Le poète se laissa fléchir, et commença son hymne par ces mots : « Je ne suis point un statuaire fabriquant des simulacres immobiles qui se tiennent toujours sur la même base. Va, ma muse, vole vers Égine avec tes chants harmonieux, cours annoncer que Pytheas, fils de Lampon,

  1. Deuxième olympique.
  2. Sixième olympique.
  3. Septième olympique.
  4. Voyez la huitième néméenne.
  5. Sixième pythique.