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insupportable pour la Grèce. La terreur s’évanouit et nos violens soucis se dissipent. Ce qui est devant nous est toujours le meilleur. Le temps trompeur est suspendu sur la tête des hommes, et déroule pour eux la trame de la vie. Mais tous les maux, même ceux que nous avons soufferts, peuvent se guérir avec la liberté : l’homme doit donc garder bonne espérance[1]. » Non, ce n’était pas assez de ces vers pour célébrer la gloire à laquelle assistait Pindare ; c’est aussi trop de parcimonie dans l’enthousiasme et la louange. Quelle est cette défiance de l’avenir et de la liberté ? Athéniens, vous méritiez de plus vigoureux accens. En vérité, on ne dirait pas que c’est un Grec qui parle, mais un Perse.

Oui, il y avait dans Pindare des inclinations orientales pour tout ce qui était théocratique, royal et opulent. Le poète aimait les richesses, l’éclat de l’or et les jouissances qu’il procure. Il ne s’en cache pas : il commence sa deuxième isthmique par ces paroles : « C’étaient les hommes des anciens jours, ô Thrasybule, qui montaient sur le char des muses aux cheveux d’or, s’avançant aux sons de la lyre illustre, et chantant pour conquérir le suffrage de leurs jeunes amis, dont la belle adolescence commençait à recevoir de Vénus le signal des combats amoureux. Alors la muse n’était pas avide de gain, elle n’était pas mercenaire. L’éclatante douceur des chants de Terpsychore et la mollesse de ses accents ne se vendaient pas. Mais maintenant la muse nous permet d’observer la maxime de l’Argien, maxime si proche de la vérité : De l’or, de l’or, voilà l’homme. Celui qui parlait ainsi avait perdu ses richesses et ses amis. » Cependant Pindare ne voulait pas séparer l’opulence des honneurs et de la gloire. Il dit quelque part : « Que celui qui accroît justement son opulence, et qui, satisfait de sa prospérité, joint encore la gloire au bonheur, que celui-là ne regrette point de n’être pas un Dieu[2]. » Et ailleurs : « Être heureux est la première des récompenses ; être illustre est la seconde ; mais l’homme qui les a ravies toutes les deux a cueilli la plus belle des couronnes[3]. » Il y a dans les chants de Pindare une exubérance pleine

  1. Huitième isthmique, première et seconde strophe.
  2. Cinquième olympique, cinquième strophe.
  3. Première pythique, dernière strophe.