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qui allait expirer : « Tu es mon fils, lui dit-il, mais ton frère a reçu la vie d’un homme. Cependant je te donne le choix : tu peux, fuyant la faiblesse et la mort, t’asseoir dans l’Olympe à côté de Minerve et de Mars à la lance noire de sang. Mais si tu réclames pour ton frère, et si tu veux tout partager avec lui, tu devras passer une moitié de ta vie dans les régions souterraines, l’autre moitié dans les palais d’or du ciel. Ainsi parla Jupiter. Pollux n’eut pas un moment une double pensée, mais sur-le-champ il rendit la lumière et la voix à son frère aux armes d’airain. »

Pindare montre partout dans ses chants le respect et l’amour des Dieux. « Tout ce qui est excellent vient de la nature, dit-il. Beaucoup d’hommes, se fiant à des vertus acquises, se précipitent pour saisir la gloire. Mais tout ce qui se fait sans Dieu peut être voué sans injustice au silence et à l’oubli[1]. » « Dieu gouverne tout suivant sa pensée, chante ailleurs le poète. Il arrête dans les airs l’aigle impétueux, et il interrompt la course du dauphin dans les mers : il plie la fierté de l’orgueilleux et il accorde à d’autres une gloire incorruptible[2]. Ne convoite jamais, ô mon âme ! la vie des immortels[3]. La grande intelligence de Jupiter gouverne la destinée des hommes qu’il chérit[4]. »

Sous les variétés et les allégories du culte populaire, Pindare cachait cette religion une et profonde, lien commun de Dieu et des hommes, pensée commune et secrète des grandes intelligences et des grandes âmes chez toutes les nations et dans tous les siècles. Si nous étions suffisamment édifiés sur son éducation et son histoire, nous retrouverions la trace de la théosophie sacerdotale. N’y eut-il pas de la témérité à faire chanter devant toute la Grèce cette première strophe de la sixième néméenne ;

« La nature des hommes et celle des dieux est la même : hommes et dieux nous avons reçu la vie de la même mère. La différence est tout entière dans la puissance : l’homme n’est rien, tandis que le ciel d’airain est toujours inébranlable. Mais nous ressemblons

  1. Onzième olympique, avant-dernière strophe.
  2. Deuxième pythique, septième strophe.
  3. Troisième pythique, neuvième strophe.
  4. Cinquième pythique, dernière strophe.