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un antidote infaillible contre toute espèce de poison, enfin de la faculté qu’on lui supposait de vivre sans air et sans alimens, renfermé au centre des roches les plus dures ; mais, dans cette dernière question seule, il y aurait matière à tout un article, et comme c’est encore aujourd’hui un sujet de controverses, j’aurai sans doute plus tard occasion d’y revenir.

En passant en revue les principales fables relatives aux crapauds, j’avais pour but, comme je l’ai dit, de faire comprendre la répugnance des naturalistes modernes à s’occuper d’un fait d’ailleurs peu croyable, et qui se présentait si mal accompagné. Il me resterait maintenant à excuser la crédulité des naturalistes anciens, celle des savans du moyen-âge et du vulgaire de nos jours, en montrant combien il y a de traits merveilleux dans l’histoire positive de ces animaux, et combien il était facile à des hommes peu accoutumés à nos méthodes rigoureuses d’investigation de se laisser induire en erreur sur différens points. Cette seconde partie, pour être complète, devrait être traitée plus longuement encore que la première ; mais comme depuis quelques années l’histoire naturelle est assez généralement cultivée, je pourrai me contenter de rappeler ici brièvement les généralités, et pour les faits particuliers de citer seulement les plus saillans.

Les batraciens anoures, ou grenouilles (en prenant ce mot dans le sens étendu qu’avait celui de batrachos chez les Grecs, et celui de rana chez les Latins), sont, comme on le sait, des animaux ovipares. Les œufs sont renfermés, non dans une coquille solide, comme ceux des oiseaux, ou dans une enveloppe flexible et d’ailleurs très résistante, comme ceux des reptiles, mais dans une membrane mince et perméable à l’eau. Il en résulte qu’ils se gonflent s’ils sont immergés dans un liquide, et qu’au contraire ils se dessèchent et se racornissent s’ils sont abandonnés dans un air sec ; c’est ce que les parens, au reste, ont toujours bon soin d’empêcher.

La sortie de ces œufs est quelquefois accompagnée de circonstances singulières ; ainsi, dans une espèce d’Europe, le mâle aide la femelle à se débarrasser de ses œufs, se les attache en paquets sur les deux cuisses et se retire dans quelque lieu humide. Au bout d’un certain temps, il quitte sa demeure terrestre, et va chercher une eau dormante, afin de s’y plonger. Par suite de cette immersion, les œufs se gonflent, leur membrane se fend, et les petits se mettent aussitôt à nager dans la mare, où ils continuent à séjourner jusqu’à ce qu’ils aient subi toutes leurs métamorphoses. Le crapaud accoucheur (c’est ainsi qu’on le nomme) est assez commun dans les environs de Paris ; cependant il n’y a pas très long-temps qu’on a remarqué ces habitudes singulières, que M. Demours a le premier décrites.