Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.
167
SCIENCES NATURELLES.

arbres), et Pline est bien capable d’avoir confondu ce mot avec celui de diopètes (tombées du ciel).

Notre auteur, dans un chapitre précédent, désigne clairement les rainettes par l’habitude qu’elles ont de monter sur les arbres et de faire entendre du haut des branches une voix dont la puissance semble tout-à-fait disproportionnée à la taille de l’animal[1]. Cette voix sonore avait fait sans doute envie à quelque personne enrouée, mais le moyen qu’elle avait imaginé pour l’acquérir était des plus bizarres ; il consistait à ouvrir la bouche de l’animal et à cracher dedans. Ce n’était d’abord que contre l’extinction de voix que le remède était proposé ; puis on l’appliqua au rhume, cause ordinaire de cet accident, et c’est dans ce cas que Pline le recommande. Quant aux diopètes, il prescrit leur sang mêlé aux pleurs de la vigne pour empêcher de repousser les cils qui, ayant une direction vicieuse, irritent le globe de l’œil ; je ne doute pas qu’on n’ait vu s’opérer quelques guérisons à la suite de cette pratique, car il fallait commencer par arracher le poil, et cela devait parfois amener une inflammation de la paupière suffisante pour détruire l’organe sécréteur. C’est ce qu’on obtient aujourd’hui plus sûrement et plus simplement en cautérisant la partie.

Dans le second passage relatif aux diopètes ou calamites, Pline en parle comme fournissant un puissant aphrodisiaque, et ceci paraît se rapporter au crapaud des joncs ou au moins à une des espèces de crapauds propre-

  1. Les anciens paraissent avoir observé avec beaucoup plus d’attention que nous le chant des grenouilles, et ils avaient des mots pour exprimer ses modifications relativement aux espèces, aux sexes et aux saisons ; ainsi, chez les Romains, nous trouvons les verbes suivans ; coaxare, croasser ; brexare, qui rappelle le brekekekex de J. B. Rousseau ; gracidare qui paraît s’appliquer plus particulièrement à la rainette, et d’où est venu le mot graicet ou gresset, sous lequel cette espèce est encore connue en Bretagne. Ils avaient aussi emprunté aux Grecs le mot ololygo, qui désigne le chant propre à la saison des amours.

    Un homme, pour qui le chant des grenouilles avait des charmes, en a introduit, dans le siècle passé, une espèce en Irlande ; jusque-là il n’existait dans cette île aucun batracien anoure, et le peuple croit encore aujourd’hui que les crapauds n’y sauraient vivre. M. Macartney, que j’aurai plus tard occasion de citer, a pris la peine d’en transporter là, afin de prouver que l’opinion populaire était sans fondemens.

    La rainette ne se trouve point en Angleterre, et l’on a cru long-temps qu’il n’y avait qu’une seule de nos espèces de grenouilles ; M. Don en a découvert récemment une seconde dans le voisinage des lacs du Forfarshire.