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SCIENCES NATURELLES.

pauds, nous devons faire remarquer qu’il y avait des raisons toutes particulières pour n’admettre qu’avec une extrême réserve ce qu’on rapportait de singulier relativement à ces animaux. Leur histoire, en effet, se trouvait, à l’époque de la renaissance des sciences naturelles, surchargée de tant de fables, qu’il était presque impossible de faire le triage du faux et du vrai, et que le plus court parti à prendre était de regarder comme non avenu tout ce qui s’était dit jusque-là. On recommença donc courageusement sur nouveaux frais, et l’on ne voulut rien recevoir que de l’observation ; aujourd’hui on peut demander quelque chose à la critique, et en lui donnant pour base les travaux des modernes, l’élever vers les récits des anciens, afin de voir s’il se trouve quelque chose de vrai, même dans ce que nous aurions d’abord jugé invraisemblable.

Quand on est arrivé à réunir sur quoi que ce soit des notions positives, c’est toujours une chose curieuse que de reporter ses yeux en arrière et de comparer ce qu’on sait avec ce qu’on a cru. Presque toujours on reconnaît que les assertions les plus absurdes reposent sur des observations réelles, mais observations incomplètes, mal comprises, mal expliquées ; il y a souvent exagération, rarement mensonge prémédité.


Non est de nihilo quod publica fama susurrat,
Et partem veri fabula semper habet.


Je n’ai ni la prétention de connaître tout ce qu’on a débité de merveilleux sur les crapauds, ni l’intention de reproduire ici tout ce que j’en ai appris ; mais ce que je dirai suffira, je pense, pour justifier la réserve des naturalistes modernes, en même temps que ce que je citerai d’étrange et de bien constaté pourtant, dans l’histoire de ces reptiles, excusera jusqu’à un certain point la crédulité des naturalistes anciens.

Les animaux, qui pour les zoologistes forment le sous-ordre des batraciens anoures, ont entre eux des traits de ressemblance si nombreux et si manifestes, que le peuple, bien long-temps avant les savans, avait pour eux des noms collectifs ; tels étaient ceux de batrachos chez les Grecs, de rana chez les Latins. Chez nous, il n’y a pas dans le langage vulgaire de mot qui corresponde exactement à ces deux-là, et dont l’acception soit aussi générale ; le peuple, tout en reconnaissant l’étroite parenté des espèces qu’il a occasion d’observer, les nomme crapauds si elles rampent, grenouilles si elles sautent, et rainettes si elles habitent les arbres. Outre ces différences dans les habitudes, il en reconnaît de correspondantes dans l’organisation : ainsi il assigne pour caractères physiques à la première tribu une peau rugueuse, un gros ventre et des pattes courtes ; à la seconde une ceinture déliée, des jambes allongées et des pieds palmés ; à la