Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
REVUE. — CHRONIQUE.

quer la constitution, mais c’est bien à tort ; car la pensée d’O’Connell n’embrasse pas toute l’étendue d’une constitution ; il n’exige pas qu’on rende le peuple d’Irlande et d’Écosse meilleur ; il veut qu’on supprime une dîme, qu’on arrache de leur banc tant de lords ; c’est tout simplement un fermier qui compte ce que gagne son maître, et qui ne veut pas payer. M. Barrot, né du peuple, est obligé de se faire violence pour se mettre au niveau du peuple ; et quelque violence qu’il se fasse, son langage n’est pas populaire. Sincère et ardent dans ses convictions, il trouve cependant à chaque pas, dans ses mœurs et dans la forme de son esprit, des obstacles à l’accomplissement de la mission à laquelle il s’est dévoué avec un véritable désintéressement, on doit le dire. M. O’Connell descend des rois, et il est du peuple par ses goûts, par son langage et par sa forme. Un moment il a essayé d’adopter les airs du pouvoir et de vivre sur un pied d’intimité avec le ministère ; mais sa nature l’a emporté, et le voilà qui court les champs et les montagnes de l’Écosse, criant à tue-tête contre les descendans des rois. Son intérêt serait de maintenir ce ministère qui a besoin de lui et qui le favorise en secret ; mais il obéit à sa nature, et il détruira ce ministère. Pour M. Barrot, loin d’agiter, il calme ; s’il se met en campagne, c’est pour empêcher son parti d’exprimer des vœux imprudens ; c’est pour prêcher l’esprit de conservation et le maintien des institutions qu’une sage révolution nous a données. M. O’Barrot pousse son parti dans la route de la légalité, et l’y ramène chaque fois qu’il s’en écarte. O’Connell en chasse le sien, quand par hasard il y est entré. Lisez le discours prononcé par M. Barrot dans le banquet que lui ont donné ses électeurs au milieu des ruines du château de Thorigny. Avec quelle tristesse il signale la tendance des ministres ! Comme il craint les perturbations ! comme il démontre avec douleur qu’en tout temps l’excès de la rigueur a produit l’excès de la résistance, et comme il déplore avec sincérité le sort des gouvernemens qui ne sont avertis de leurs fautes que par le tocsin fatal des révolutions ! Est-ce là O’Connell prenant joyeusement un fouet pour chasser devant lui, comme les bestiaux de ses électeurs, deux cents pairs hors de la chambre des lords, et demandant à grands cris la destruction de l’aristocratie et de l’antique société de l’Angleterre !

Il y a, en Europe, un troisième agitateur que les amis du pouvoir royal illimité signalent déjà à la haine de leur parti. C’est M. Mendizabal. M. Mendizabal étant ministre et se trouvant porté au sein même du pouvoir, est plus dangereux, ou peut-être par cela même moins dangereux que M. O’Connell et M. O’Barrot. M. Mendizabal est à la fois l’homme le plus