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combat de Navarin détruisait la prépondérance de la Porte, il la tuait politiquement au profit de la Russie, et cette bataille fut le prélude de la campagne de 1828 aux Balkans. La Russie était parvenue à pousser à la tête des affaires étrangères en France M. de La Ferronays, homme loyal, mais russe d’affection et d’habitudes. M. de Metternich ne put donc entraîner la France dans un système de confédération et de ligue armée contre le czar. Il fut plus heureux en Angleterre auprès du duc de Wellington, qui, reconnaissant les fautes de Canning, appela le combat de Navarin un évènement malheureux. L’Angleterre était ainsi revenue à la parfaite intelligence de ses intérêts positifs.

On se demande comment, à cette époque, M. de Metternich ne se décida pas pour la guerre, comment il ne prit point parti pour la Porte Ottomane. C’est ici une suite de la pensée fixe du chancelier autrichien. Il a tout gagné par la paix ; les conquêtes de l’Autriche sont dues aux opinions pacifiques, à cette espèce de médiation armée qui arrive toujours à point nommé pour conquérir quelques avantages. Une guerre eût compromis la situation générale de l’Europe. Rapproché de l’Angleterre, et de concert avec elle, le cabinet autrichien arrêta la victoire. C’était quelque chose dans le mouvement russe de 1829, mais ce n’était pas assez.

Pendant ce temps, les événemens marchaient en France vers une crise inévitable. Le ministère de M. de Polignac se forma. Sous le simple point de vue diplomatique, c’était un avantage pour l’Autriche, car l’on sortait du système russe pour entrer dans les idées anglaises, à l’égard de Saint-Pétersbourg et de Constantinople. Toutefois un esprit aussi pénétrant que M. de Metternich ne pouvait voir sans inquiétude la lutte engagée entre les pouvoirs politiques, dans un pays comme la France. On a dit que M. de Metternich avait conseillé les coups d’état. C’est mal connaître l’esprit de modération et la capacité du premier ministre autrichien ; un coup d’état n’est jamais entré dans la pensée de M. de Metternich ; c’est un parti trop dessiné, trop bruyant. Quand une situation difficile arrive, il ne la prend pas de face, il la tourne ; et quand on le voit décidé dans une résolution ferme et forte, c’est que les esprits y sont déterminés et qu’il n’y a plus rien à craindre pour son exécution. M. de Metternich connaissait trop la légèreté du prince de Polignac, le peu de fermeté de Charles x, pour ignorer qu’ils n’étaient pas capables de mener à fin une entreprise aussi périlleuse. Il existe aux Affaires-Étrangères une dépêche de M. de Rayneval, ambassadeur à Vienne, qui détaille une conversation qu’il a eue avec le prince de Metternich, précisément sur ces coups d’état ; on en parlait