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POÉSIES POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

— Berit, Astarot, venez à moi ! Je renonce à Dieu ; je me livre à vous, je me donne à vous sang et ame, yeux et oreilles, je me donne à vous pour toujours si vous voulez me dire où est l’enfant ! »

Les démons paraissent, et Berit dit à Kervoura qu’il a été trompé par Triffine, que l’enfant est en son pouvoir. Le méchant entre en fureur, et il jure dans son ame de se venger.

Cependant Triffine ne se doute de rien. « La sainte femme est dans son oratoire aussi joyeuse qu’un ange, » lorsqu’une de ses servantes entre précipitamment.

LA FILLE DE CHAMBRE.

Triffine, Triffine, reine de la Petite-Bretagne, malheur à vous ! — Je viens d’un endroit où j’ai entendu une horrible discussion que les princes avaient entre eux, dans la salle du conseil. — Ils ne pouvaient me voir. — J’ai entendu, tout entendu… et je suis tombée sans force sur la terre !

TRIFFINE, émue.

Ma fille, je vous en supplie, dites-moi ce que vous savez. — Que disaient-ils dans le conseil ?

LA FILLE DE CHAMBRE.

Ma maîtresse, avant ce soir, vous serez prisonnière.

TRIFFINE, étonnée.

Ce soir, prisonnière ? qu’est-il donc arrivé ? — À quel sujet ? Grace à Dieu, je suis innocente ; je ne mérite pas que l’on me fasse de la peine.

LA FILLE DE CHAMBRE.

Croyez ce que je vous dis, et écoutez-moi. — Votre frère Kervoura est cause de tout. — Il a écrit de sa main, de sa propre main, il a écrit !… des crimes abominables !… Oh ! à leur pensée mon cœur se soulève. Il a écrit que vous aviez eu un enfant et que vous l’aviez tué, par haine pour votre époux. Ensuite il a dit que vous aviez soudoyé des gens pour tuer celui-ci. Les princes, les barons, à la lecture de cette lettre, ont conclu qu’il fallait vous jeter en prison pour vous juger.

TRIFFINE.

Ô Jésus ! ce coup m’a frappée… je ne puis me lever. (Elle veut se lever et tombe à genoux.) Vierge et anges du paradis, ayez pitié de moi, car je suis accusée sans raison.

LA FILLE DE CHAMBRE.

Ma maîtresse, ma maîtresse, au nom du vrai Dieu, prenez courage et relevez-vous. Il n’y a point de temps pour les larmes, car si l’on vous surprend, votre malheur sera bien plus grand encore.