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TALLEMANT DES RÉAUX.

Que de gens à la ville, aussi bien qu’à la cour,
Voyons-nous s’ennuyer la plus grand’part du jour !
Ils ne savent que faire, et sans la comédie,
Ces sots mèneroient bien une plus triste vie ;
Je pense, en bonne foy, que les propres acteurs
N’y vont pas si souvent que certains spectateurs.

Certes, le ciel a beau nous faire des largesses,
Il a beau nous donner des grandeurs, des richesses,
À moins qu’il daigne encor nous donner du bon sens,
À vray dire, il nous fait de dangereux présens :
À tel il vaudroit mieux être gueux qu’être riche ;
Car, s’il n’est insolent ou prodigue, il est chiche.
Combien à leurs trésors se laissent éblouir !
On sait moins que jamais comme il en faut jouir.
Regardez cet abbé, dont le train magnifique
Aux dévots fondateurs fait tous les jours la nique,
N’oyez-vous pas partout vanter leur charité ?
En voyez-vous un seul qui ne meure endetté,
Ou, pour parler correct, qui ne meure insolvable ?
Ils doivent tout ensemble à Dieu, au monde, au diable.
Pour le diable, sans doute il s’en fait bien payer,
En vain avec ce rustre on voudroit dilayer.

Mais nous voilà, Rapin, sur une ample matière,
N’entrons point, je te prie, en si vaste carrière ;
Je fuis le lieu commun, et j’aime mieux finir.
Que d’une rapsodie aller l’entretenir.


Cette épître montre de combien de matériaux nous avons été privés pour que cette notice fût aussi satisfaisante que nous l’eussions désiré. On y voit Tallemant désabusé des préventions des réformés contre l’église romaine, et devenu l’ami d’un jésuite qui s’est fait un grand nom dans les lettres ; il y parle de ses afflictions, de ses pertes, de sa disgrace, circonstances de sa vie sur lesquelles nous ne pouvons donner presque aucun renseignement.

Tallemant des Réaux avait vraisemblablement perdu sa fille, cette petite des Réaux dont il parle au chapitre de Mme de Montausier ; elle ne paraît pas en effet lui avoir survécu. Toute la famille éprouva des revers de fortune à la mort de Pierre Talle-