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L’année suivante, des Réaux fit un voyage d’Italie avec un de ses frères du premier lit et avec le plus jeune de tous, l’abbé Tallemant, celui auquel l’Académie française devait plus tard ouvrir ses rangs. L’abbé de Retz, depuis cardinal et archevêque de Paris, venait d’obtenir, en Sorbonne, le premier lieu de la licence en théologie. Il avait combattu les prétentions de l’abbé de La Mothe Houdancourt, que portait le cardinal de Richelieu, et il avait eu le tort de l’emporter sur lui ; le ministre, irrité de cette contradiction, menaçait les députés de la Sorbonne de faire raser les bâtimens qu’il avait commencé d’élever[1], et l’orage s’annonçait pour si violent, que la famille de Gondi crut prudent d’éloigner le jeune abbé pendant quelque temps ; il fut décidé que l’abbé de Retz voyagerait en Italie, et ce dernier accepta avec empressement l’offre des trois frères Tallemant de voyager de compagnie.

Quoique très jeune encore, Tallemant des Réaux était déjà doué d’un talent remarquable pour l’observation ; il juge très bien l’abbé de Retz. « C’est, dit-il, un petit homme noir qui ne voit que de fort près, mal fait, laid et maladroit de ses mains à toutes choses Sa passion dominante, c’est l’ambition ; son humeur est étrangement inquiète, et la bile le tourmente presque toujours. » Des Réaux donne sur les premières années du cardinal des détails d’autant plus précieux, qu’on voudrait connaître un homme de ce caractère d’après d’autres témoignages que le sien propre, et que d’ailleurs les premières pages de ses Mémoires ne nous sont parvenues qu’avec de nombreuses mutilations[2].

De retour à Paris, Tallemant des Réaux y prit ses degrés en droit civil et canon ; son père aurait désiré qu’il se destinât à la magistrature, il voulait même lui acheter une charge de conseiller au parlement, mais des Réaux ne se sentait nullement disposé à

  1. Mémoires du cardinal de Retz, 2e série de la collection des Mémoires relatifs à l’Histoire de France, tom. xliv, pag. 101.
  2. Malheureusement la découverte récente du manuscrit autographe des Mémoires du cardinal de Retz ne fera pas retrouver ce qui a été détruit pour toujours.