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REVUE DES DEUX MONDES.

Mon bonheur est digne d’envie,
Car je meurs en phœnix aux rayons du soleil[1].


Tallemant des Réaux, beaucoup plus jeune que sa cousine, ne put se défendre d’éprouver pour elle des sentimens qui passaient les bornes de la simple amitié ; mais Mme d’Harambure aimait trop l’adoration pour se contenter d’une affection qu’elle aurait partagée avec beaucoup d’autres ; et Tallemant, du caractère qu’on lui connaît, n’était pas d’humeur à se contenter de beaux sentimens ; aussi paraît-il avoir renoncé à une conquête désespérante, et il ne fut plus retenu près de sa cousine que par les graces de l’esprit et le charme de la conversation. « Depuis sa petite vérole, dit-il, elle n’avait rien de joli que l’entretien et le bien. »

Mme d’Harambure, à peine âgée de trente-trois ans, mourut d’une maladie de langueur ; des Réaux fut très affligé de sa perte, et il exprima sa douleur dans un sonnet adressé à Conrart, où il invite les poètes à célébrer les graces et les vertus d’Amarante. Le sentiment qui a dicté ces vers servira d’excuse à leur médiocrité.


Toy qui sans aucune ayde et sans secours humain
T’es acquis le haut lustre où ta gloire est montée,
Qui regardes en toy l’ouvrage de ta main,
Et de qui la vertu doit être respectée ;

Tu connois les ennuys qui me rongent le sein ;
Tu connois qu’Amarante est partout regrettée ;
Sois mon guide, Phylandre, en mon noble dessein ;
Je veux qu’en tous endroits sa gloire soit chantée.

Tu gardes les trésors des neuf sçavantes sœurs,
Tu peux mieux que personne en tirer les douceurs
Par qui la poésie est si bien animée.

Tu connois dès long-temps comme on en doit user ;
D’autres à tes écrits doivent leur renommée,
Et tu sais ce qu’il faut pour immortaliser[2].

  1. Diverses poésies de M. de Chandeville, dans le Recueil de diverses poésies des plus célèbres autheurs de ce temps. Paris, 1651, in-12, tom. ii, pag. 98.
  2. L’original autographe de cette pièce se trouve dans un manuscrit de la