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LE PARLEMENT ANGLAIS.

half idiot. — Ce n’est pas un méchant homme, tant s’en faut ; mais la nature l’a trop libéralement doué de cette éloquence interrompue qui supplée aux vides de la parole et de la pensée par la profusion et la véhémence du geste. Il se plaît trop à arborer publiquement son mouchoir de batiste. À mon avis, les whigs eussent gagné autant que les tories à le laisser partir en ambassade à Saint-Pétersbourg.

Laissons autour du duc de Wellington, lord Aberdeen, lord Wharncliffe et lord Ellenborough, tous trois de ses principaux aides-de-camp et avec lui ci-devant ministres. Ce sont des tories prudens et habiles, sinon modérés, qui s’expriment en bons termes, mais que nous n’avons pas le loisir de peindre en pied. Un dénombrement épique ne décrit pas tous les soldats des deux armées, pas même tous les officiers ; c’est moins qu’une Iliade que nous avons entrepris. À plus forte raison nous devons nous borner à montrer du doigt les principales têtes de notre assemblée.

Pour compléter notre revue par ordre, achevons le tour de la chambre en regardant ses rangées de banquettes à notre gauche. Ne remarquez-vous pas là-haut sur la troisième, adossée au mur, cette figure de singe en perruque blonde, la bouche de travers, qui semble casser des noisettes ? Si loin du quartier-général des tories que se tienne ce noble baron, il n’en est pas moins un de leurs plus importans et redoutables capitaines. Il a deux fois été grand-chancelier ; il était encore celui du dernier cabinet de sir Robert Peel. C’est lord Lyndhurst. Ainsi que lord Brougham, il est arrivé de la barre au sac de laine par la chambre des communes. Sa laideur extrême n’a point de vulgarité ; au contraire, c’est le premier homme de robe auquel j’aie trouvé l’air du grand monde et de vraies façons de cour. Ce n’est pas non plus simplement un savant légiste : c’est le parleur le plus fin, le plus clair, le plus net, le plus adroit, le plus mesuré, le plus agréablement concis. Sa voix, pleine, grave, généralement calme, n’est pas sans s’émouvoir à l’occasion ; mais pour qu’il s’échauffe un peu, il faut que quelque dépit personnel et caché le remue. Sa conscience ne le maîtriserait pas au point de l’emporter. De conscience, il n’en a point ; il a conservé ce privilége des avocats, s’il s’est défait de leurs allures. Jadis il était whig et davantage. Au fond, tout affublé qu’il se montre de belles manières et trempé d’aristocratie, ce n’est toujours qu’un avocat. Il est tory maintenant, parce que le torisme lui a généreusement payé ses plaidoiries. Que si la réforme lui offrait aujourd’hui de meilleurs honoraires, il retrouverait, j’en ai peur, dans son sac bien des argumens au profit de la réforme.