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LE PARLEMENT ANGLAIS.

il n’est point de privauté qui ne lui soit permise), vous verriez les plus favorisées d’entre elles dans ses bras, et tandis qu’elles lui parlent à l’oreille, ses mains noires ridées se croisant sur leurs épaules blanches. Homme heureux ! Il est vrai que sur la boucle de la jarretière qui ceint sa jambe septuagénaire, vous lisez écrit en lettres de diamans : « Honny soit qui mal y pense, » la devise de l’ordre. Homme heureux, quoi qu’il en soit ! Et que lui a-t-il fallu pour réussir ainsi à tout et en tout ? oh ! je ne sais. Le peu de prudence patiente et de bon sens inerte que peut enfermer un front étroit à l’épreuve de la balle ; mais surtout le rayon bienfaisant et la partialité de cette étoile capricieuse qui éclaire si mystérieusement le chemin des prédestinés !

Mais voici qu’il parle, ce duc de Wellington ! Quel labeur ! il secoue sa tête ! il étreint de ses doigts desséchés le dossier de la banquette qui est devant lui ! Il semble qu’il voudrait arracher de partout les idées qu’il n’a pas. Enfin, il tire de son cerveau quelques fragmens de phrases incohérentes et de raisonnemens tronqués. Tout cela, tant mal que bien, finit par composer une sorte de discours qui n’est pas trop déraisonnable ; il fait deviner ce qu’il voulait dire, s’il ne l’a pas dit. Je vous affirme qu’il est orateur et homme d’état, comme il est grand fashionable et grand général, — par la grâce de son étoile.

Les tories de la chambre seraient ingrats d’oublier que c’est le duc de Wellington qui les a sauvés long-temps par la discipline rigoureuse et toute militaire avec laquelle il avait réglé leur fougue intempérante. Il ne s’agissait pas jadis de lui désobéir impunément. Au commencement même de cette session, lord Londonderry fut grondé sévèrement, en pleine assemblée, pour avoir engagé une escarmouche que le général n’avait pas autorisée. Aujourd’hui, pourtant, les mauvaises têtes du parti semblent se lasser des sages temporisations du vieux chef. À moins qu’il ne les réduise promptement au devoir, elles livreront malgré lui la bataille au peuple. Mais que sa grâce y prenne garde ; si ses soldats l’entraînent à livrer lui-même ce combat inégal, il n’y retrouvera plus sa fortune de Waterloo.

C’est une singulière expression de férocité niaise et débile, qui caractérise la physionomie que vous avez à la gauche du duc de Wellington ; pas un cheveu sur la tête, et malgré cela d’énormes moustaches toutes blanches. On dirait un vieux Turc de carnaval ou de comédie, qui a perdu son turban ; il faut voir cette grotesque créature debout de toute sa hauteur. Elle est si mal assurée sur ses longues jambes, qu’elle ne peut faire un pas sans trébucher. On la renverserait en soufflant dessus. D’ailleurs fort assidue à la chambre, elle s’y donne un