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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

ment, n’existe parmi nous, ni en réalité, ni même en théorie. Si l’on a réclamé avec chaleur le système électif appliqué à l’organisation des conseils municipaux, c’est que les ambitions locales ont vu dans cette loi une chance de se faire jour. Aujourd’hui que ce principe est conquis et largement appliqué, les vœux du pays ne semblent pas aller plus loin. Nous venons d’assister à la longue et technique discussion d’une loi communale qui maintient, jusque dans les moindres détails, et la minorité des communes et la tutelle exercée par les bureaux de la rue de Grenelle. Cependant cette loi n’a rencontré nulle opposition sérieuse, ni dans l’opinion, ni dans les chambres, tant les banalités sur l’émancipation administrative suscitent jusqu’à présent peu de sympathie.

Une commune française ne peut ni acquérir dix toises de pierres, ni vendre dix arbres desséchés, sans l’agrément de l’autorité supérieure ; elle n’a pas le droit de changer les jours de ses marchés, et moins encore celui d’en établir de nouveaux ; son conseil municipal ne peut délibérer sur un objet, même d’urgence, dont il n’aurait pas été autorisé à s’occuper à jour déterminé ; son maire ne peut mandater une dépense de vingt francs, sans en référer au préfet ; celui-ci ne saurait prendre une décision sans en écrire au ministre. Une commune ne peut sans permission construire une école ou réparer son église en ruines, et la permission obtenue, elle doit suivre les plans, accepter le devis d’un agent inconnu d’elle ; heureuse si, à raison de sa misère, elle évite le conseil des bâtimens civils ou les nombreux comités du conseil d’état.

Tout cela se passe après la révolution de juillet, sans rencontrer plus de résistance que sous la restauration et sous l’empire, preuve évidente que, si cette révolution a eu pour but de faire passer le pouvoir en d’autres mains, son génie ne tend pas à en circonscrire l’exercice.

Je viens de lire avec attention l’analyse des votes des conseils généraux sur tous les objets d’utilité nationale ou départementale (session de 1833) ; et cette étude, je l’avoue, est loin de m’avoir révélé, du moins comme actuel, ce besoin du gouvernement du pays par le pays, et cette horreur profonde de la centralisation, sur lesquels ont vécu pendant long-temps et les journaux peu nombreux de l’école américaine et les gazettes plus nombreuses du parti légitimiste. J’ai trouvé d’innombrables demandes de fonds adressées au gouvernement, et peu d’offres de faire par soi-même ; on sollicite des brigades de gendarmerie, des ingénieurs, des employés de tous genres ; on ne réclame en faveur du commerce aucune modification à la législation qui le régit. Deux ou trois conseils généraux seulement invitent le gouvernement, mais sans préciser aucune vue, à remédier aux abus de la centralisation,