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La nudité, l’éléphantiasis, les ophtalmies, la cécité, la lèpre. « Bacchis ! bacchis ! de l’argent ! » c’est un cri général qui accueille votre arrivée et accompagne votre départ. — Ô les vingt mille cités d’Amasis, où êtes-vous ? ô vieille Égypte, mère du monde, comme t’appellent tes enfans dans leur langue pompeuse, toi qui as tout donné au monde, lois, beaux arts, science, industrie, n’as-tu donc rien gardé pour toi ? Et Mohamed-Ali, qui creuse des ports, qui bâtit des greniers, qui rouvre des canaux, que fait-il donc pour relever ces ruines vivantes ? Les voyageurs qui l’ont jugé d’après les plaies de son peuple n’ont pu voir dans son besoin d’innovations qu’une désastreuse folie. Et nous aussi, nous souffrons des maux étalés sous nos yeux ; mais avant de nous joindre aux accusateurs, prenons une connaissance plus complète des pièces du procès. La question est complexe, examinons-en toutes les faces ; elle est profonde, attendons que nous ayons pu la sonder. Déjà nous avons cru reconnaître que, s’il y a du vrai dans les reproches adressés à la politique du pacha, souvent aussi ils se fondent sur une appréciation inexacte des hommes et des choses. Ces villages du Mahmoudieh, par exemple, sont malheureux sans doute, mais du moins leurs habitans travaillent et vivent. Avant l’ouverture du canal, quand l’intervalle des deux lacs était couvert par les sables, ils volaient ou mouraient de faim. Le Mahmoudieh, en déposant sur ses rives le limon du Nil, a modifié la nature et l’aspect du pays qu’il arrose : des cultivateurs ont pris à ferme ces terres nouvelles, et quoique leur bail soit onéreux, encore leur rapporte-t-il plus qu’autrefois la possession de sables stériles. Des jardins, des troupeaux, des champs de maïs et de coton, ont déjà substitué sur les bords du canal l’aspect de leurs paysages à la monotone aridité du désert. Bientôt le Mahmoudieh, véritable avenue d’Alexandrie, sera plus digne encore de sa destination. Le pacha vient d’ordonner d’élever sur ses berges un rideau d’ombrage, pour abriter, dit-il, des ardeurs du soleil, les Occidentaux qui viendront visiter le grand travail de son fleuve ; car une gigantesque entreprise s’exécute aujourd’hui sur le Nil.

Mentionnons encore la ligne télégraphique du Caire, établissement moderne où l’on retrouve l’administration du vice-roi aidée de l’industrie française, et nous aurons signalé tout ce que la na-