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veloppe, j’aime, tandis que vos doigts sèment de merveilles nouvelles les merveilles de Weber, à rencontrer votre regard affectueux qui redescend vers moi et semble me dire : « Frère, me comprends-tu ? c’est à ton ame que je parle. » — Oui, jeune ami, oui, artiste inspiré, je comprends cette langue divine et ne puis la parler. Que ne suis-je peintre du moins, pour fixer sur votre image ces éclairs célestes qui l’embrasent et l’illuminent, lorsque le dieu descend sur vous, lorsqu’une flamme bleuâtre court dans vos cheveux, et que la plus chaste des muses se penche vers nous en souriant !

Mais si je faisais ce tableau, je n’y voudrais pas oublier ce charmant personnage de Puzzi, votre élève bien-aimé. Raphaël et Tebaldeo, son jeune ami, ne parurent jamais avec plus de grâce devant Dieu et devant les hommes que vous deux, mes chers enfans, lorsque je vous vis un soir, à travers l’orchestre aux cent voix, quand tout se taisait pour écouter votre improvisation, et que l’enfant debout derrière vous, pâle, ému, immobile comme un marbre, et cependant tremblant comme une fleur près de s’effeuiller, semblait aspirer l’harmonie par tous ses pores et entr’ouvrir ses lèvres pures pour boire le miel que vous lui versiez. On dit que les arts ont perdu leur poésie. Je ne m’en aperçois guère, en vérité. Les beaux jours de l’Italie ont-ils jamais produit une plus sainte et plus pieuse existence d’artiste que la vôtre, Frantz ? Et pour ne pas parler de plusieurs autres que nous savons, et que nous avons sujet de révérer, le ciel forma-t-il une plus belle ame, une intelligence plus exquise, une plus intéressante figure que celle de notre Herrmann, ou plutôt de notre Puzzi ? car il faut qu’il porte long-temps encore ce joli nom de guerre que vous avez sanctifié dans votre enfance, et qui vous a porté bonheur.

Eh quoi ! n’avons-nous pas passé de belles matinées et de beaux soirs dans ma mansarde aux rideaux bleus, atelier modeste, un peu près des neiges du toit en hiver, un peu réchauffé à la manière des plombs de Venise en été ? Mais qu’importe ? quelques gravures d’après Raphaël, une natte de jonc d’Espagne pour s’étendre, de bonnes pipes, le spirituel petit chat Trozzi, des fleurs, quelques livres choisis, des vers sur-