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de girandoles, de danses allemandes et italiennes, car ce ballet parle toutes les danses, comme Pic de la Mirandole ou Rabelais parlaient toutes les langues. La morra des paysans du Tibre s’y trouve mêlée aux monferine de Naples, les créoles du Morne-d’Orange, en foulards bariolés, y donnent la main aux Albanaises à toques d’or. Cette immense lutte d’entre-chats, autour d’un mat de vaisseau, a quelque chose d’inoui. Le décor est d’un effet large et bien conçu, bien que nous ne puissions approuver les fonds bleuâtres, et les couleurs tranchantes des nuages ; cet horizon ne fuit pas assez. Le tableau du dernier acte est peut-être encore plus sujet à la critique ; la Traite des Noirs du Cirque-Olympique nous a gâtés de ce côté-là. Les légères restrictions de la critique ne sauraient être introduites dans l’éloge que nous ferons de la mise en scène, cet éloge sera complet. Les plus belles étoffes d’Orient, les tapis les plus ouvragés et les plus splendides servent de lit à ces écumeurs de mer, sybarites des îles Œgades, qui ont des calumets et des poignards. Les groupes de la danse se marient merveilleusement à ces fonds chauds et colorés ; c’est un flot d’azur continuel à côté de ces autres flots de la vaste mer. Après Mlles Elssler, qui ont dansé toutes deux sans rompre leur chaîne, sans se quitter, comme deux belles statues grecques, nous avons remarqué la jolie demoiselle Forster, Mlles Vagon, Julia et Legallois. La musique est de MM. Carlini et Casimir Gide. Rossini et Beethoven sont bien quelque peu étouffés dans cette musique sous la fumée des pirates, et la Semiramide pourrait s’y plaindre du tambour de Mme Montessu, mais que voulez-vous dire à des corsaires qui se servent du canon en guise de phrase musicale, et jettent leurs verres de rhum à la tête du musicien ?

M. Véron, qui se retire, dit-on, n’a pas voulu mourir sans ces belles fanfares. Au lieu de faire porter son deuil à ce grand opéra, à cette belle et splendide famille de danseuses, M. Véron leur a donné les danses de l’Archipel et les roses de l’Orient !


— Un de nos collaborateurs, M. Barchou de Penhoën, va publier, chez le libraire Charpentier, un volume d’appréciations philosophiques sur la situation de la France avant et depuis la révolution de juillet. Ces considérations, pleines de gravité et d’intérêt, sont groupées sous quatre têtes de chapitre : Les funérailles de M. de Lafayette ; Guillaume d’Orange ; M. le duc d’Orléans ; M. le duc de Bordeaux. L’auteur a abordé les grands problèmes politiques avec cet esprit méditatif et sérieux qui caractérise ses travaux sur la philosophie allemande.




F. BULOZ.