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REVUE. — CHRONIQUE.

que la postérité ne puisse pas nous reprocher qu’aux funérailles d’un Bourbon, la liberté des citoyens fut immolée pour servir d’hécatombe ! »

La loi de censure ne fut pas de longue durée ; le second ministère du duc de Richelieu, qui avait favorisé la réaction, en devint la victime. Le parti royaliste saisit les affaires avec M. de Villèle. Depuis 1818, M. de Villèle et ses amis, dans l’opposition, avaient vivement combattu pour la liberté de la presse, dans le but de renverser le ministère ; le Conservateur n’avait cessé de développer ce thème. Ministre, M. de Villèle dut donc organiser quelque chose qui ne fût pas la censure. De là naquirent les premières lois de M. de Peyronnet, cette législation de 1821, plus répressive, mais qui serait encore un acte de modération, comparée à la loi actuelle. La loi de 1821 agrandissait le système de la pénalité, et précisait mieux, dans l’intérêt du catholicisme et de la royauté, les peines portées par la loi de 1819 ; toutefois les amendes ne s’élevaient pas au-delà de dix mille francs, et l’emprisonnement à plus de cinq ans. Voici les principales restrictions que renfermait cette loi :

1o L’abolition du jury en matière de presse, et les délits soumis au jugement définitif des cours royales ;

2o L’autorisation préalable pour établir un journal ;

Enfin, les procès de tendance, c’est-à-dire, la suppression ou la suspension d’un journal à la suite de plusieurs condamnations. Cette loi était sévère, astucieuse sur plusieurs points, et pourtant par la seule influence de la liberté, les journaux eurent bientôt reconquis la puissance qu’on voulait leur enlever. Ils attaquèrent avec mesure, avec habileté, le système tout entier de la chambre des députés, le ministère et la congrégation, et les accablèrent en peu de temps.

Que fit alors le parti de la congrégation ? Ne pouvant dominer la presse par la force des lois, il chercha à la gagner par la corruption ; de là, ces achats clandestins des feuilles publiques, cette espèce de foire ouverte par Mme Du Cayla. Le pouvoir acheta bien un ou deux journaux, quelques actions dans d’autres, mais la presse entière échappa, car la presse, c’est la pensée publique, qu’on ne corrompt pas plus qu’on ne l’opprime.

Le pouvoir, cherchant à reconquérir les positions perdues, imagina la loi d’amour de M. de Peyronnet. Cette loi parut en 1827. Elle était toute fiscale et combinée pour la ruine des journaux. Dans la chambre des députes, elle démoralisa ce qui restait encore de force et de puissance à la majorité ministérielle ; et à la chambre des pairs, elle trouva cette grande opposition dont M. de Broglie se fit l’organe au sein de la commission. M. le président du conseil a donc oublié tout ce qu’il fit dans cette commission, ses discours en faveur de la presse, et les principes invariables de liberté qu’il y professa. La commission s’érigea en véritable tribunal, elle entendit avec une bienveillance remarquable toutes les observations des propriétaires de journaux, et elle repoussa le projet de M. de Peyronnet.

L’histoire peut dire quel fut le résultat de cette tentative contre les journaux. Les électeurs répondirent en 1827 ; la majorité bigotte qui tenait séance à table chez M. Piet, fut brisée par les scrutins, et le mi-