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REVUE. — CHRONIQUE.

pliquait la censure. Cette décision affligea beaucoup le secrétaire-général du ministère de l’intérieur, qui connaissait toute la portée de son amendement.

Ce secrétaire-général était M. Guizot.

M. de Montesquieu et M. Guizot, son secrétaire, ne se tinrent pas toutefois pour battus, et ne renoncèrent pas à faire rétablir la censure. Le 5 juillet 1814, MM. de Montesquiou, Blacas, Ferrand et Beugnot furent introduits dans la chambre des députés pour faire une communication au nom du roi. Le discours du ministre débutait ainsi, à peu près comme débutait M. de Chantelauze le 26 juillet, comme débutait, il y a peu de jours, M. Persil, comme débutent tous les ministres qui portent la main sur une des libertés publiques : « Il faut consacrer la liberté de la presse de manière à la rendre utile et durable. Cette liberté, si souvent proclamée en France depuis vingt-cinq ans, y est toujours devenue elle-même son plus grand ennemi. Entourée de l’opinion qu’elle n’a pas eu le temps de former, elle a prêté à la licence toutes ses forces, et n’a jamais pu trouver par elle-même des moyens suffisans de défense et de liberté. La loi que je vais vous présenter, a surtout pour objet d’arrêter la publication de ces libelles que leur mince volume permet de répandre avec profusion, et qui sont propres à troubler immédiatement la tranquillité publique. Tout écrit de plus de trente feuilles d’impression pourra être publié librement et sans examen de censure préalable. Il en sera de même, quel que soit le nombre des feuilles, des écrits en langues mortes ou en langues étrangères, des mandemens, lettres pastorales, catéchismes et livres de prières, etc. Si deux censeurs au moins jugent que l’écrit est un libelle diffamatoire, ou qu’il peut troubler la tranquillité publique, ou qu’il est contraire à l’article 2 de la Charte, ou qu’il blesse les bonnes mœurs, le directeur-général de la librairie pourra ordonner qu’il soit sursis à l’impression. Les journaux et écrits périodiques ne pourront paraître qu’avec l’autorisation du roi. Nul ne sera imprimeur, ni libraire, s’il n’est breveté par le roi et assermenté. Nul imprimeur ne pourra imprimer un écrit avant d’avoir déclaré qu’il se propose de l’imprimer, ni le mettre en vente ou le publier, de quelque manière que ce soit, avant d’avoir déposé le nombre prescrit d’exemplaires. Le défaut de déclaration avant l’impression et le défaut de dépôt avant la publication seront punis chacun d’une amende de 1,000 francs pour la première fois et de 2,000 pour la seconde. Tout libraire, chez qui il sera trouvé un ouvrage sans nom d’imprimeur, sera condamné à une amende de 2,000 francs. L’amende sera réduite à 1,000 francs si le libraire fait connaître l’imprimeur. (Déjà la délation était introduite dans la loi, mais là, du moins, elle n’était pas commandée.) La présente loi sera revue dans trois ans, pour y apporter les modifications que l’expérience aura fait juger nécessaire. »

Le discours du ministre et la loi de censure étaient encore l’œuvre de M. Guizot.

Le gouvernement de la restauration eut donc la censure. La censure