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DOCTOR MARGARITUS.

Car tu gouverneras deux familles de fleurs.
Mon champ, je le désire et je le sollicite,
Sera toujours planté de reines Marguerite ;
Tu pourras, si tu veux, semer le tien de lis,
Car je sais que ces fleurs te sont chères, mon fils,
Et que ton âme douce est comme une prairie
Où naissent à l’envi ces tiges de Marie.
Tu sèmeras ton champ de beaux lis glorieux,
Et ce sera, le soir, charmant et curieux
De voir ces jeunes rois couronnés en Judée
Dans le petit jardin, sitôt après l’ondée,
À l’heure où le soleil plonge vers le couchant,
Causer d’amour avec les reines de mon champ ;
Et les pâles rayons des étoiles timides,
Se croisant au hasard dans les herbes humides,
Comme des pages blonds iront porter les mots
Que les rois chanteront aux reines de l’enclos :
« Belle dame, mon roi vous supplie et vous aime,
Et demande un fleuron de votre diadème
En échange des flots de cinname et d’encens
Qu’il dépose à vos pieds et vous donne en présens,
Comme firent jadis les rois de la légende. »
Et la reine, aussitôt émue à cette offrande,
Enverra sans retard à son royal amant
Un joyau sur son front tombé du firmament.

À ces heures de nuit, où sous les tièdes brises
Les herbes et les fleurs qui te seront soumises
Chanteront dans le pré leur cantique d’amour,
Lorsque reines et rois se seront fait la cour,
Lorsque les lis ployés rêveront à leur dame,
Alors, ô mon enfant ! cueille au fond de ton ame
Cette petite fleur que j’y sème à présent.
Et pense au vieux docteur endormi dans le champ.
Pense aux rayons éteints, pense aux roses fanées ;
Et si le souvenir de mes vieilles années,