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REVUE DES DEUX MONDES.

N’importe ! cet amour capricieux et vain
Qui, pareil au serpent entoure dans ton sein
L’amour pur et fécond de la belle nature,
Finira par tomber comme une grappe mûre ;
Et celui-là tout seul réchauffera ton sang ;
Et tu deviendras fort, vigoureux et puissant ;
Et tu seras alors mon fils et mon élève ;
Et quand tu passeras, tu sentiras la sève
Murmurer dans la tige, et les herbes grandir ;
Et tu ne verras rien flotter ou resplendir,
Ou voler dans l’espace, ou couler sur la terre,
Sans en savoir bientôt la force et le mystère ;
Et sous l’épais manteau toujours levé pour toi,
Tu surprendras la vie, et la force, et la loi ;
Et quel que soit enfin l’objet où tu t’inclines,
Un caillou de la grève, une fleur des collines,
Un morceau de cristal, une pierre, un lézard,
Il te sera soumis dès le premier regard ;
Et grâce à cet amour, tu pourras sans obstacles
Pénétrer désormais dans tous les tabernacles,
Et dans le moindre objet de ton attention
Découvrir la lumière, et la vie, et le son ;
Et tu pourras alors vêtir ma grande robe
Et t’appeler docteur, et te lever à l’aube
Pour visiter le champ que je t’aurai laissé.
Toutes les belles fleurs te diront : Mon fiancé !
Car tu n’auras pas l’air encor d’être leur père
comme moi qui suis grave et maussade et sévère,
Et souvent les arrose avec un front chagrin.
Vois-tu, mon doux ami, quel avenir serein,
Quel astre à l’horizon se lève sur ta vie !
Tu régleras le pré selon ta fantaisie,
Et lorsque tu voudras accroître encor ton bien,
Tu pourras, s’il te plaît, joindre ton champ au mien,
Rien qu’en faisant tomber le mur qui les sépare.
Tu porteras alors une double tiare
Et peindras ton manteau de nouvelles couleurs,