Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/471

Cette page a été validée par deux contributeurs.
463
DOCTOR MARGARITUS.

Et comme je rentrais au lever du matin,
En étendant le bras pour tenter la rosée,
Je te vis, ô mon fils ! debout à la croisée ;
Tu regardais mes fleurs qui ployaient sous le vent
Et penchais un front triste, et suivais en rêvant
Les ondulations de leur tige assoupie.
Certes, je n’aime pas qu’un étranger m’épie,
Je hais les curieux dans l’ame, et suis jaloux ;
Mais tu les regardais avec des yeux si doux,
Ton amour me parut si frais et si sincère,
Tu semblais tant rêver en elles de mystère,
Et lire dans le sein de leur calice blond
Tant de choses d’un sens merveilleux et profond,
Dont au livre de l’homme aucune n’est écrite,
Qu’il me sembla voir Faust penché sur Marguerite,
Et contemplant avec une dévote ardeur
Ce sein qui s’agitait au vent de la pudeur,
Et les rideaux de lin, et le beau Christ d’ivoire,
Et ravi dans le ciel par la douce mémoire
De cet homme inquiet par un enfant charmé,
Au lieu de te haïr, jeune homme, je t’aimai.

Et depuis cette amour que pour toi j’ai sentie,
S’est encor, je l’avoue, augmentée en partie,
Quand je t’ai vu courir par les bois et les prés
Après les belles fleurs et les boutons dorés.
Cependant ne crois pas, désormais, que j’ignore
Que cette amour chez toi n’est pas complète encore,
Je sais, mon jeune ami, que vous aimez les fleurs
Moins pour leur chaste robe et leurs fraîches couleurs ;
Et leur grâce pudique, et leur beauté native,
Que pour l’amour charmant d’une vierge pensive
Que vous glorifiez dans toutes vos chansons,
Et que si les beaux lis et les fleurs des buissons
N’avaient que leurs parfums pour payer votre peine,
On ne vous verrait pas si souvent dans la plaine.