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DOCTOR MARGARITUS.

Il sait tous les secrets des herbes du printemps.
Elles lui disent tout comme à leur jardinière,
Car elles ont en lui confiance plénière.
Et le voilà, chargé d’une riche moisson,
Qui descend la montagne et rentre à la maison ;
Car il a d’autres fleurs à visiter encore,
Avant de s’endormir chez lui jusqu’à l’aurore.
Et dès qu’il rentrera dans son champ, je suis sûr
Qu’il va dans les roseaux qui tapissent le mur
S’asseoir paisiblement, et les pieds dans le sable,
Essuyant la sueur de son front vénérable,
Avec toutes ses fleurs deviser un moment,
Et les interroger pour apprendre comment
Tout vient de se passer au logis, en l’absence
Du maître souverain, et, par reconnaissance
De leur garde fidèle, aussitôt leur conter
Des nouvelles du lieu qu’il vient de visiter,
Et ce que font les fleurs là-haut sur la montagne :
« Valentine se meurt ; Lucile croît et gagne ;
Marguerite est charmante, et Claire, à son réveil,
Fraîche et belle à vous rendre envieux du soleil ;
Marthe a repris là-haut ses belles couleurs roses,
Et se rappelle à vous, et vous dit mille choses,
Et vous envoie, avec ses lèvres du matin,
Cent baisers parfumés d’aloës et de thym. »

Heureux homme ! il a vu toutes ses fleurs chéries,
Celles de la montagne et celles des prairies ;
Et voilà maintenant qu’il s’en revient tout seul,
Joyeux et triomphant, et tel que mon aïeul,
Père d’une famille honorée et nombreuse,
Qui, dans les derniers temps de sa vieillesse heureuse,
Revenait tous les soirs par le petit sentier
Du cloître où, pour aimer les anges et prier,
Deux filles de son sang avaient pris le saint voile ;
Et, guidé par le feu de la sereine étoile,