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REVUE DES DEUX MONDES.

Ô filles d’Allemagne ! ô dames Serpentines
Qu’adorait autrefois le blond étudiant ;
Je sais que vous étiez élégantes et fines,
Et que sur le gazon des campagnes voisines,
Où vous suivait la nuit votre pudique amant,
Vous ne laissiez jamais de traces en fuyant.

Je sais que vous étiez lascives et légères,
Que vous glissiez de front ainsi que des éclairs
Sur les tapis de mousse et les fraîches lisières,
Et que jamais les fleurs et les brins d’herbe verts
N’ont pu vous accuser d’avoir en vos concerts
Dépouillé d’un fleuron leurs têtes printannières.

Je connais mieux que tous peut-être vos vertus,
Et cependant (hélas ! que dirait Anselmus,
S’il m’entendait parler, alertes demoiselles ?)
Cependant je conviens que les brins d’herbe frêles,
Sous les pieds du docteur, sont encor moins émus
Que sous vos corps charmans, j’allais dire vos ailes.

Certes, je ne veux pas en votre chaste sein
Allumer aujourd’hui l’ardente jalousie,
Mais par un jour d’avril, le ciel étant serein,
S’il pouvait tout à coup vous prendre fantaisie
De quitter l’archiviste et ses palmiers d’Asie
Pour venir visiter les fleurs de ce jardin ;

Vous auriez beau dès-lors à votre tête blonde
N’épargner ni travaux, ni périls, ni sueurs,
Vous priver chaque nuit du sommeil, sous les fleurs
Traverser le ruisseau sans goûter à son onde,
Et courir sur le sable et faire tout au monde
Pour vous rendre cent fois plus légères, mes sœurs !