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peuples entraînés par Luther se séparaient de l’église romaine, gage de cette paix et de cette unité ; s’agitant et se démenant pour la concorde, s’échauffant pour la modération, suant et s’essoufflant à prêcher la paix, mais toujours éloquent, vif, naturel, parce qu’il était vrai.

Toutes ses lettres, durant ces cinq années, contiennent l’histoire de tous les combats qu’il eut à soutenir. C’est la même situation présentée sous toutes ses faces, mais avec une vivacité, un mouvement, une sincérité qui font qu’on s’y intéresse comme à un drame. C’est en effet un drame d’un intérêt immense qu’une intelligence supérieure battue par les flots de toutes les opinions extrêmes, cherchant à conserver son équilibre dans l’agitation universelle, et résistant à un premier rôle, parce qu’elle ne peut le prendre sans aller au-delà de ses croyances !

« J’ai toujours évité, dit-il dans une de ces lettres[1], d’être l’auteur d’aucun tumulte, ou le prédicateur d’aucun dogme nouveau. J’ai été prié par bien des hommes puissans de me joindre à Luther ; je leur ai dit que je serais avec Luther, tant que Luther resterait dans l’unité catholique. Ils m’ont demandé de promulguer une règle de foi : j’ai dit que je ne connaissais pas de règle de foi hors de l’église catholique. J’ai engagé Luther à s’abstenir d’écrits séditieux : j’en ai toujours craint de mauvais résultats, et j’aurais fait plus pour les prévenir, si, entre autres motifs, une certaine crainte d’aller contre l’esprit du Christ ne m’en eût détourné. J’ai exhorté et j’exhorte encore plusieurs personnes à ne point publier d’écrits scandaleux, et surtout d’anonymes, lesquels sont si irritans ; je leur ai dit que c’était mal servir la paix chrétienne et l’homme dont ils sont les partisans. Je puis bien conseiller ; empêcher, je ne le puis. Le monde est plein d’officines d’imprimeurs, plein de poétastres et de mauvais rhéteurs ; et comme je ne puis faire que ces gens-là ne s’agitent pas, n’est-ce pas la dernière des iniquités de me rendre responsable de la témérité d’autrui ? »

Les avis n’ayant aucun succès, il avait recours à la prière,

  1. 545. B. F.