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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

de ce que l’Élysée pouvait promettre d’espérance, pour rendre la paix à l’ame de ceux auxquels la mort avait ravi l’objet aimé. Mais celui-là seul a réchauffé notre être aux rayons de sa glorieuse lumière qui a mis sur son front ensanglanté l’auréole de la couronne d’épines. Après sa venue, les arts, qui n’avaient encore puisé que grâce et douceur aux sources ombragées de l’infini, abordèrent sa grande idée face à face, et ils tournent maintenant autour d’elle, comme les plantes autour du soleil, chacune dans son orbite. »

Ainsi, ses plus chers souvenirs sont ses souvenirs chrétiens. C’est tout le gothique édifice du moyen-âge, qu’il tremble de voir bientôt balayé du sol. En présence d’un vieux manoir qu’il visite, il s’écrie tristement :

« Lowether ! on voit dans ton ensemble majestueux s’accorder dignement la pompe gracieuse de la cathédrale et l’austère gravité du château féodal ; — puissante union qui signifie l’adoration de Dieu et la conquête des chartes obtenues par l’épée de l’antique honneur ; — base de cette heureuse combinaison politique que les sages révèrent et maintiendront si Dieu leur est en aide. Cependant d’heure en heure le torrent démocratique enfle son onde ; sur la foi de promesses pleines de vent, et pour nourrir des espérances menteuses, on sape et l’on bat en brèche tout le glorieux monument du passé ! Ah ! si c’est votre destin de tomber, tours et donjons, l’histoire authentique avec laquelle vous symbolisez dira que vous avez entraîné la gloire de l’Angleterre dans votre ruine. »

Cependant ce siècle impitoyable renversera-t-il donc l’église comme il a déjà jeté bas le donjon. Oh ! non. La confiance du poète se retrempe dans la foi. Il sent que les nouvelles lumières de l’esprit ne prévaudront pas contre la religion et la poésie.

« Nous faut-il souhaiter le retour des illusions passées ? Pour restaurer l’imagination détrônée, consentirions-nous à cacher de nouveau ces vérités que la science a dépouillées de leur voile épais ? Oh ! non. Ce siècle, tout grand qu’il est, peut adorer la soif de savoir qui a précipité l’homme. L’immensité de l’univers est infinie. Cette raison conquérante, elle a beau se glorifier, elle ne fait point un pas sans trouver devant elle encore quelque muraille, quelque golfe de mystère, qui l’arrêtent ! Et c’est à toi seule qu’il est donné de franchir cette barrière, foi de l’imagination !…… »

Il voit de trop haut lui-même pour ne pas apercevoir l’avenir magnifique de civilisation qui s’avance ; en parlant des chemins de fer et des bateaux à vapeur :