Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/355

Cette page a été validée par deux contributeurs.
347
LA QUENOUILLE DE BARBERINE.

Le jour baisse de plus en plus, et la faim augmente en proportion. Est-ce que je serais réduit à filer ? Non, mille fois non ; j’aimerais mieux mourir de faim comme un gentilhomme. Diable ! vraiment, si je ne file pas, il ne sera plus temps tout-à-l’heure.

(Il se lève.)

Comment est-ce donc fait, cette quenouille ? quelle machine diabolique est-ce là ? je n’y comprends rien. Comment s’y prend-on ? je vais tout briser. Que cela est entortillé ! Oh Dieu ! j’y pense, elle me regarde ; cela est sûr ; je ne filerai pas.

Une voix en dehors.

Qui vive ?

(Le couvre-feu sonne.)

Le couvre-feu sonne ! Barberine va se coucher. Les lumières commencent à s’allumer. Des mulets passent sur la route, et les bestiaux rentrent des champs. Ô Dieu ! passer la nuit ainsi ! là, dans cette prison ! sans feu ! sans lumière ! sans souper ! le froid ! la faim ! Hé ! holà ! compagnon ; n’y a-t-il pas un soldat de garde ?

BARBERINE, ouvrant le guichet.

Eh bien ?

ROSEMBERG.

Je file, comtesse, je file ; faites-moi donner à souper.



Scène VI.

À la cour.
La REINE, les COURTISANS, ULRIC.
LA REINE.

Comte Ulric, le jour est arrivé où la gageure que vous avez tenue contre Astolphe de Rosemberg doit avoir son exécution. Voilà mon chancelier, qui en a lu les termes écrits, et nous avons juré par notre parole royale qu’aucune puissance humaine ne nous fléchirait. Où est Rosemberg ? pourquoi ne paraît-il point ?

ULRIC.

Sacrée majesté, je puis vous expliquer la cause de son absence ; ce sera vous apprendre en même temps le succès de notre gageure. Je commence par jurer sur mon honneur que je n’ai ni écrit ni fait savoir à ma femme rien de ce qui s’était passé, et que je ne me suis opposé en rien à l’entreprise d’Astolphe de Rosemberg. Maintenant, j’oserai